Plus que quelques heures avant le prochain round de ce qui ressemble furieusement à un combat de David contre Goliath à l'européenne. Date de remontée sur le ring : le 24 novembre prochain. Le géant Google affrontera à nouveau en justice la fronde de Copiepresse, l'organisme qui défend les éditeurs de journaux en Belgique francophone.

Plus que quelques heures avant le prochain round de ce qui ressemble furieusement à un combat de David contre Goliath à l'européenne. Date de remontée sur le ring : le 24 novembre prochain. Le géant Google affrontera à nouveau en justice la fronde de Copiepresse, l'organisme qui défend les éditeurs de journaux en Belgique francophone.

D'accord, la Belgique, c'est loin, et c'est petit. Mais si Google est condamné définitivement à se plier aux exigences de ses adversaires, il se créerait une jurisprudence qui lézarderait illico l'apparente façade d'invincibilité du tout-puissant moteur de recherche. Et qui ouvrirait la porte à toutes les hostilités envers Google, dans le monde entier.

Surtout que la première reprise avait été donnée à l'avantage de Copiepresse. Le 5 septembre dernier, le service Google News tombait sous les attaques de l'organisme. Une décision qui en avait surpris plus d'un, dont Google, absent lors du procès.

Condamné à une amende d'un million d'euros par jour s'il ne retirait pas de Google News tout ce qui avait été "emprunté" aux sites Internet des journaux belges, le géant américain a obtenu de faire rejuger l'affaire. Brusque changement de stratégie, cette fois, il sera présent pour sa défense. Un million d'euros, ça change pas le monde, sauf que...

Une amende colossale à prévoir

Depuis le 5 septembre, Google a éprouvé d'énormes difficultés à se plier au jugement. Une défaite en cour pourrait signifier une amende de 34 millions d'euros (±49 M $CAN). C'est que Copiepresse a fait contrôler régulièrement par huissier le non-respect de la décision des tribunaux belges. Malgré ses efforts, Google n'est pas arrivé à retracer tous les contenus «piqués» et à les enlever de son site.

Selon Philippe Nothomb, l'homme qui a lancé le site Internet du Soir, le journal de référence en Belgique francophone, ce n'est qu'une partie du problème. «Si la justice demande à Google de faire la même chose pour nos photos, ce sera encore pire. Son système ne permet pas de les retrouver. Ce sera une amende sans fin.»

Sans l'avouer ouvertement, une inquiétude plane du côté des accusés. DJ Collins, porte-parole de Google pour la Belgique, a l'impression que son camp a été condamné pour avoir rempli sa mission première. «Si on ne peut plus référencer des sites, à quoi va-t-on servir ? On ne fait que mettre une photo et trois lignes de texte. Pour lire la nouvelle, il faut aller sur le site source. On aide les sites.»

Plutôt que de payer l'amende, dont les limites ne sont pas fixées, Google pourrait être tenté de signer un accord financier de partage des revenus. En temps normal, le moteur de recherche refuse de négocier de tels accords, mais la donne pourrait changer dans l'éventualité d'une défaite en cour.

Trafic en chute libre dans les sites

Chez Google, dont les moyens financiers ont été amoindris dernièrement par le rachat de YouTube, on voudra tout d'abord limiter les dégâts.

Ce qui n'est pas chose faite, selon François Le Hodey, administrateur délégué d'IPM, groupe de presse qui édite deux des trois journaux les plus importants de Belgique francophone. «J'ai reçu des coups de fil de responsables médias en provenance d'un peu partout dans le monde. Ils attendent le verdict. Si nous gagnons, Google devra s'attendre à d'autres poursuites.» Éviter une réaction en chaîne potentiellement coûteuse pour le site de recherche est donc un des enjeux majeurs du deuxième round du procès.

De leur côté, si elles ont porté quelques coups à Google, les entreprises médiatiques belges ont chèrement payé leur attaque. L'arrêt du référencement de leurs sites Internet par Google s'est traduit par de significatives pertes de fréquentation. Selon l'administrateur délégué d'IPM, la baisse pour leurs sites est d'environ 20 %.

Attaquer Google

Mais pour Philippe Nothomb, du journal Le Soir, le jeu en vaut la chandelle: «Il faut comprendre notre démarche à long terme. Google nous prive de revenus publicitaires. Il se crée du trafic grâce à notre contenu, sans nous payer. Si on continue dans ce système, dans 10 ans, on est mort.» C'est d'ailleurs pour cette raison que l'action a été étendue à un service similaire à Google News offert par MSN.

Le message est clair : les producteurs de contenu veulent leur part du gâteau. Les Belges sont les premiers à la réclamer. On connaîtra mieux le 24 novembre les probabilités de voir cette poursuite faire des petits ailleurs dans le monde.

Daniel Gagnon, journaliste indépendant, Bruxelles