Frapper le concurrent sur son propre terrain: c'est ce que les câblodistributeurs ont fait en offrant le téléphone par Internet à la barbe des entreprises comme Bell Canada. Mais cette dernière s'apprête à utiliser le même médium... pour faire entrer la télévision chez les clients de Vidéotron.

Frapper le concurrent sur son propre terrain: c'est ce que les câblodistributeurs ont fait en offrant le téléphone par Internet à la barbe des entreprises comme Bell Canada. Mais cette dernière s'apprête à utiliser le même médium... pour faire entrer la télévision chez les clients de Vidéotron.

La réplique des Bell et Telus de ce monde aux câblodistributeurs, qui grugent leurs parts de marché en téléphonie, s'écrit en deux mots: télévision IP. IP signifie Internet Protocol. Bell veut utiliser son réseau de fibres optiques et de fils de cuivre pour faire entrer la télévision dans les foyers par un protocole Internet.

«La télévision IP, c'est une question de mois, pas d'années», a promis hier Patrick Pichette, président, exploitation, chez Bell Canada. M. Pichette a ouvert hier aux journalistes les portes des laboratoires montréalais où est actuellement testée la technologie. Ces locaux, où circule un inextricable réseau de plus de 122 kilomètres de fibres optiques, sont reliés aux plus grands laboratoires de recherche de Nortel, Lucent et Alcatel. Bell insiste pour qu'on n'en dévoile pas l'adresse...et y poursuit ses tests, malgré des annonces répétées que la télévision IP est pour bientôt.

Des compagnies comme Manitoba Telecom Services et SaskTel ont pourtant déjà commencé à offrir le service dans les Prairies. «La télévision IP par Bell est attendue depuis février 2006», souligne le SeaBoard Group, une firme de consultant en télécommunication, qui croit que «l'entreprise de télécommunication n'est sûrement pas assise sur ses lauriers: elle semble avoir adopté une stratégie de faire les choses correctement du premier coup», écrit le groupe dans un rapport consacré à la télévision IP.

«Une des raisons pour lesquelles on attend un peu ici, c'est qu'il va y avoir des options assez intéressantes», a dit hier Eugene Roman, président du groupe systèmes et technologie chez Bell Canada. Quant à savoir quelles options, M. Roman est avare de détails: il se contente de dire que le grand avantage de la télévision IP sera «l'interactivité».

Pas de révolution technologiqueSelon M. Roman, un service comme Bell ExpressVu, qui reçoit ses données d'un satellite, est encore de la «télédiffusion». «Il y a de l'interactivité possible, mais elle est limitée. La télévision IP, ce n'est pas de la télédiffusion: c'est un canal à deux voies», dit-il, mentionnant par exemple la possibilité pour un téléspectateur qui écouterait l'émission Canadian Idol de voter instantanément pour le candidat de son choix sur son téléviseur.

Marc L'Écuyer, gestionnaire chez Cote100, croit que la technologie permettra à Bell de gagner des parts de marché en ville, où ses soucoupes ExpressVu ont de la difficulté à s'infiltrer dans les grands immeubles à appartements et sont parfois boudées pour des raisons esthétiques. Mais il ne s'attend pas à une grande révolution technologique.

«Les gens ne changeront pas massivement du câble vers la télé IP. Ça va combler une partie du vide auquel Bell fait face en ville», dit-il.

«La technologie a de grands potentiels. Mais disons que pour l'instant, c'est vraiment deux façons de faire la même chose», dit Iain Grant, du Seaboard Group, à propos de la câblodistribution et de la télévision IP. Il croit que la part de marché que les entreprises de télécommunications parviendront à gruger à leurs concurrents dépendra davantage du prix offert que de la technologie elle-même. «Quand vous regardez le succès qu'a eu Vidéotron avec ses forfaits (incluant le téléphone, l'Internet et la télévision), il est clair que Bell doit arriver et répondre aussi avec une offre de services regroupés. Vidéotron a connu du succès en offrant le téléphone: je pense que Bell devra être tout aussi créatif s'ils veulent aller voler les clients de Vidéotron en télévision», dit M. Grant.