Steve Ballmer, PDG de Microsoft, était sur le point de partir pour trois semaines de vacances de golf en juillet 2004 lorsque Bill Gates le convoqua dans son bureau et lui apprit une nouvelle qui fit l'effet d'une bombe.

Steve Ballmer, PDG de Microsoft, était sur le point de partir pour trois semaines de vacances de golf en juillet 2004 lorsque Bill Gates le convoqua dans son bureau et lui apprit une nouvelle qui fit l'effet d'une bombe.

M. Gates, 29 ans après avoir fondé le plus important fabricant de logiciels au monde, souhaitait ne plus s'occuper de la gestion quotidienne de l'entreprise.

« Inquiet n'est pas le mot qui convient », lance M. Ballmer, 50 ans, en faisant référence à sa réaction.

« Ça m'a laissé songeur, ajoute-t-il. Bill est quelqu'un d'unique et la poursuite de nos activités devait être différente. »

Après deux ans de planification, MM. Gates et Ballmer ont annoncé au conseil d'administration de Microsoft cette semaine que Bill Gates allait se retirer en juillet 2008 pour se consacrer à sa fondation.

M. Ballmer aura donc la tâche de mettre fin à une série de revers qui ont fait mal au titre de Microsoft, qui a perdu plus de 60 % de sa valeur depuis qu'il est devenu PDG en l'an 2000.

La croissance des ventes a ralenti et a pâti des retards accusés par son logiciel phare, Windows.

La concurrence d'entreprises telles que Google, qui ont été plus rapides pour tirer parti du potentiel d'Internet en proposant des produits de recherche et de publicité, a aussi fait mal.

Il se peut que M. Ballmer ne possède pas le fort leadership voulu pour relever ces défis, soutient l'investisseur Brad Hall.

« La direction qu'ils empruntent n'a pas impressionné les investisseurs », ajoute M. Hall, chef de l'exploitation de Fredric E. Russell Investment Management, à Tulsa, en Oklahoma, qui ne possède pas d'actions de Microsoft.

« Ce qu'il faut, c'est le vieux Microsoft avec la direction et la vision que l'entreprise avait il y a quelques années, la vision de Gates », soutient-il.

Les retards de Windows

La division Windows de logiciels pour ordinateurs personnels, qui a fourni 31 % des ventes de 39,8 milliards $ US de Microsoft l'an dernier, a été entravée par plus de deux ans de retard dans le lancement de nouvelles versions.

Entre-temps, M. Ballmer a été contraint d'ajouter des dépenses d'environ 2 milliards de dollars américains pour l'exercice financier qui commence le 1er juillet prochain, afin de bâtir la division Internet de la compagnie.

L'action de Microsoft se place au deuxième rang parmi les titres les moins performants du Dow Jones cette année, ayant subi une dépréciation de 16 %.

La plus grande difficulté de M. Ballmer sera de stopper Google, qui a pris les devants dans le domaine des moteurs de recherche et dans celui de la publicité sur Internet.

De plus, Google fait maintenant des incursions dans les secteurs du traitement de texte et des logiciels de tableur, deuxième activité en importance de Microsoft.

Des idées auxquelles avait d'abord songé Microsoft, comme des lecteurs de musique numérique et de la cartographie par satellite, sont devenues des activités lucratives où Apple Computer et Google dominent.

M. Ballmer a supervisé plus de trois ans d'efforts pour améliorer le moteur de recherche MSN de Microsoft, mais il n'a fait que perdre des parts de marché aux mains de Google.

Les gains de Google

Les parts de Google sur le marché américain de recherches sur Internet sont passées à 50 % en avril dernier comparativement à 47 % un an plus tôt, alors que la proportion de MSN est passée de 12 % à 11 %, selon Nielsen//Net Ratings.

« Les problèmes auxquels Microsoft fait maintenant face ne sont pas des problèmes que tout un chacun peut régler », soutient Roger McNamee, un investisseur en capital risque qui connaît M. Gates depuis plus de 20 ans et qui est le fondateur de Elevation Partners, de Menlo Park, en Californie.

« Les problèmes de Microsoft tiennent au fait qu'il est le numéro 2 ou le numéro 3 dans les secteurs où il affronte la concurrence sur Internet, et le seul rang qu'on peut avoir sur Internet est le premier », soutient-il.

Au cours des dernières semaines, des investisseurs tels que Joseph Rosenberg, stratège en chef de la division des placements de Loews Corp., de New York, ont critiqué la gestion de M. Ballmer, soutenant qu'il mine le moral des employés et les intérêts des actionnaires en faisant fi de la valeur de l'action en Bourse.

M. Gates a défendu cette semaine le leadership de M. Ballmer. Mais Paul Saffo, directeur de l'Institute for the Future, de Menlo Park, en Californie, estime que M. Gates n'a pas mis en place de solides assises pour l'incursion de Microsoft sur Internet.

« Bill ne s'est pas couvert de gloire ces dernières années, dit M. Saffo. Chaque fois qu'on l'entend parler du Web, on a l'impression d'entendre quelqu'un qui est perdu dans un aéroport et qui tente de découvrir où son prochain vol le conduira. »

Il reste que certains concurrents applaudissent au départ de M. Gates.

« Pour un concurrent de Microsoft, c'est une bonne nouvelle, parce que Bill est brillant », lance Bruce Chizen, PDG d'Adobe Systems, de San Jose, en Californie, qui fabrique des logiciels de design et d'édition.

« Sans lui pour se concentrer sur Microsoft 100 % du temps, les choses sont plus faciles pour nous », ajoute-t-il.

Les lieutenants de M. Ballmer

En l'absence de M. Gates, qui a été président de la compagnie et principal architecte de la division des logiciels depuis qu'il a laissé son titre de PDG en l'an 2000, M. Ballmer s'appuiera sur ses deux nouveaux lieutenants.

Ray Ozzie, 50 ans, qui a supervisé l'incursion de Microsoft dans le domaine des services Internet, remplacera M. Gates à titre de patron de la mise au point de logiciels. Craig Mundie, 56 ans, qui s'attribue le surnom de « secrétaire d'État » de Microsoft, succédera à M. Gates à la tête de la division de la recherche.

En confiant le titre de grand architecte des logiciels à M. Ozzie, M. Ballmer choisit quelqu'un de relativement nouveau dans la compagnie.

M. Ozzie a créé Lotus Notes au milieu des années 1980, est entré chez IBM lorsque cette grande entreprise a acquis Lotus en 1995 et il a joint les rangs de Microsoft l'an dernier, lorsque la compagnie fondée par M. Gates a acheté son entreprise, Groove Networks.

Moins d'influence

En quelques mois, M. Ozzie a grimpé dans l'organisation pour diriger les efforts de Microsoft dans la création de services Internet basés sur ses logiciels Windows, MSN et Office.

M. Ozzie a persuadé M. Gates d'écrire une note en novembre dernier incitant les 60 000 employés de la compagnie à amorcer un virage vers des services et des applications basés sur Internet.

De son côté, M. Mundie a été lieutenant de M. Gates pendant des années et il a été à la tête d'initiatives pour augmenter les ventes sur les marchés émergents, telle la Chine.

Il a aussi participé aux efforts pour améliorer la sécurité des logiciels après que des virus eurent attaqué les systèmes des clients.