Après avoir fait quelque 500 victimes, un jeune spécialiste écope 18 mois de prison.

Après avoir fait quelque 500 victimes, un jeune spécialiste écope 18 mois de prison.

Un spécialiste de la cyberfraude de seulement 18 ans a pris hier le chemin de la prison pour les 18 prochains mois. La narration des faits dans le dossier du jeune homme de Rivière-du-Loup a de quoi inquiéter tout détenteur d'une carte de crédit.

Audrey Fraser a utilisé pour des transactions par Internet au moins 443 numéros de cartes de crédit obtenus grâce à un réseau d'échanges de tels numéros actif dans Internet. Les détenteurs des cartes de crédit dont l'identité a ainsi été usurpée habitaient un peu partout sur la planète.

Le cyberfraudeur s'est servi du numéro de carte de crédit d'une Américaine pour commander par Internet des moteurs haute performance vendus par une entreprise montréalaise. Les cinq moteurs d'une valeur de 6000 $ chacun ont été livrés à Québec.

Toujours par Internet, le fraudeur a communiqué avec la compagnie émettrice de la carte de crédit pour faire modifier l'adresse de la détentrice de la carte. Ainsi, l'Américaine a virtuellement déménagé à Rivière-du-Loup.

Ce qui éliminait quelques soupçons. Sinon, pourquoi une personne vivant aux États-Unis aurait-elle acheté des moteurs à Montréal pour les faire livrer à Québec ? En même temps, le jeune fraudeur en a profité pour qu'une carte soit émise à son nom, mais avec les transactions inscrites dans le compte de l'inconnue.

Comme le jeune homme voulait aussi faire des transactions en personne dans sa région, il a utilisé le nom de son père pour obtenir trois cartes de crédit en soumettant les demandes par Internet. Il surveillait le courrier pour intercepter les comptes.

Payer les comptes était un jeu d'enfant pour Audrey Fraser. Il lui suffisait de se servir des numéros de cartes de crédit obtenus grâce au réseau d'échanges de numéros. Ainsi, une carte de crédit servait à payer le solde d'une autre carte.

Le détenteur d'une carte de crédit met parfois des semaines avant de s'apercevoir que le numéro de sa carte a été frauduleusement utilisé. Le temps de recevoir un compte et d'annuler la carte.

Audrey Fraser avait un truc pour s'assurer que le numéro de la carte qu'il voulait utiliser n'avait pas été annulé. Il utilisait le numéro pour faire par Internet un don de 10 $ à Enfant-Soleil. Une transaction acceptée était le signe de la validité de la carte.

Le jeune homme, arrêté en février, et détenu depuis, a plaidé coupable à 15 accusations. Son plaidoyer explique la peine de 18 mois de prison, qui peut sembler peu sévère, compte tenu du nombre de victimes, près de 500.

En plaidant coupable, le jeune fraudeur évite la tenue d'un procès long et coûteux. Car il aurait fallu retracer et obtenir une déclaration de chacune des victimes, d'expliquer le procureur de la Couronne, Me Sébastien Bergeron. Comme les victimes ne sont pas toutes canadiennes - l'une vit au Japon - , la collaboration des autorités de plusieurs pays aurait été nécessaire pour compléter l'enquête. Et il faut ajouter le déplacement de quelque 500 victimes pour venir témoigner.

Impossible d'établir le véritable montant des fraudes sans mener l'enquête jusqu'au bout. La partie des transactions illégales analysées a permis de découvrir des fraudes de 70 000 $, dont la moitié uniquement pour les moteurs haute performance.

En prononçant la peine, le juge Rosaire Larouche a tenu compte du jeune âge de l'accusé, à qui il a voulu donner une chance de se réhabiliter. Une probation de trois ans avec suivi a ainsi été imposée à Audrey Fraser, qui pendant cette période devra éviter de fréquenter tous les endroits possédant des appareils permettant d'avoir accès à Internet.