Ils l'attendaient plus que l'été. Probablement en sachant que l'été viendra de toute façon alors qu'ils redoutaient que la technologie, elle, s'accroche les pieds. Là, c'est fait. C'est fête.

Ils l'attendaient plus que l'été. Probablement en sachant que l'été viendra de toute façon alors qu'ils redoutaient que la technologie, elle, s'accroche les pieds. Là, c'est fait. C'est fête.

La haute vitesse est arrivée au village. Une évidence pour les urbains, branchés du matin au soir. Mais pour les ruraux qui poussent des soupirs d'éternité sur Internet, c'est le jour et la nuit. Une récente bénédiction pour un chapelet de villages: Ste-Edwidge, St-Malo, St-Venant-de-Paquette, East Hereford où même le poste frontalier baigne dans la modernité.

«J'avais le temps d'aller faire la vaisselle avant que l'image change à l'écran», ironise le douanier Gilles Vachon, maintenant outillé pour le traitement en ligne des formalités pour le transit commercial.

Gain de productivité appréciable pour le principal employeur du village, la Scierie Lauzon.

«Nos acheteurs de bois de sciage utilisent Internet pour vérifier les prix et l'offre de produits. La mise à jour de notre site corporatif était auparavant un véritable cauchemar», souligne le vice-président Jean-Pierre Rioux.

«On ne peut penser revitaliser les petites communautés sans ce service de pointe, essentiel autant aux entreprises qu'aux jeunes familles. Je ne comprends pas que les gouvernements supérieurs ne s'en préoccupent pas davantage», clame le maire de Bury, Marc Jacques Gosselin.

Ironiquement, plusieurs enfants vivant à Bury fréquentent des écoles de la Commission scolaire Eastern Townships, institution avant-gardiste ayant financé des ordinateurs portables pour ses écoliers. Ceux-ci n'ont pas de connexion efficace pour les utiliser à la maison !

Rentre à Montréal

Dans un reportage télévisé de l'émission Enjeux, Martha Lévesque, nouvellement établie à Bury, était cité parmi les exemples de citoyens ayant répondu à l'appel de la campagne. Mme Lévesque craint aujourd'hui l'ultimatum de ses patrons.

«Je suis à l'emploi d'une compagnie favorisant le travaille à domicile. J'ai obtenu jusqu'ici tolérance car j'avais l'opportunité de me rendre à Cookshire au besoin. Mais j'ai été prévenue: sans l'accès au service Internet haute vitesse d'ici le 1er août, on m'oblige à rentrer à Montréal", témoigne-t-elle.

Bury, où l'emploi est rare, a perdu une opportunité du «business to business, anytime anywhere».

«Il me fallait embaucher trois personnes pour notre clientèle américaine. J'avais ici, à Bury, le bassin de recrutement idéal. Mais faute d'avoir des équipements requis, nous avons embauché à Montréal», déplore Mme Lévesque.

Du Plateau à Saint-Venant

Pour Louise Marois, designer et graphiste, un accès à Internet haute vitesse rend maintenant possible un enracinement quasi permanent à St-Venant-de-Paquette.

«Mon bureau est au Plateau Mont-Royal. Je rêvais du jour où je pourrais acheminer des fichiers lourds à mes clients à partir de Saint-Venant. Maintenant que c'est possible, mon Dieu, quittons la ville!»

Mme Marois n'aura pas de connexion à domicile, le progrès technologique ne s'y rend pas. Elle défraiera les coûts de l'abonnement «super haute vitesse» à la bibliothèque de Saint-Venant.

«Ce n'est pas un gros inconvénient de prendre mon portable et de franchir les quelques kilomètres nous séparant du village pour aller expédier le travail effectué à la maison», jubile-t-elle.

La débrouillardise des villages: une citoyenne financera le service ultraperformant qui sera accessible à des fins communautaires à la bibliothèque qui, à l'occasion, servira d'espace commercial sans facturation de loyer.

«Pour obtenir ce service, les citoyens ont dû investir. La municipalité, malgré ses modestes moyens, a déboursé 2600 $. Mais ces placements seront rentables puisque les propriétés vont prendre de la valeur. L'accès aux technologies est devenu un critère pour un acheteur songeant à s'établir en permanence en milieu rural», évalue Robert Plante, secrétaire-trésorier de la microscopique communauté (une centaine d'habitants) de St-Venant.

Un petit joueur

Bell, qui a amusé le Québec avec ses publicités de cancans de village autour de la quincaillerie technologique, doit la trouver moins drôle aujourd'hui. C'est un compétiteur, Câble Axion, qui s'installe !

Ce câblodistributeur ayant fait sa niche au Québec dans les marchés secondaires déploie son réseau à vitesse accélérée.

«Notre plan d'expansion devait nous mener au milieu de 2007. Il sera complété avant la fin de l'année. Un citoyen en parle à quelqu'un du village voisin ; le conseiller municipal communique avec nous sur la recommandation d'un confrère ; les dossiers déboulent rapidement», dit le vice-président ventes et marketing, Pierre Allard.

Câble Axion prévoit que 75 pour cent de ses abonnés de l'Estrie auront accès à Internet haute vitesse avant la fin de l'été.

Naviguer aussi rapidement qu'en ville pour, en d'autres temps, prendre le pas et vivre au rythme plus lent de la campagne. Ça doit ressembler à ça, le bonheur.

À moins que ce soit le contraire, que la technologie rendant l'humain esclave du travail «n'importe où n'importe quand» soit en train de le traquer jusqu'à dans son dernier retranchement.

Trêve de questionnement existentiel. La fin de semaine est arrivée.