Une inondation technologique n'apporte pas que des avantages. Elle cause aussi anxiété et dépression. Ce phénomène se nomme «technostress», un néologisme crée par le psychologue américain Larry Rosen.

Une inondation technologique n'apporte pas que des avantages. Elle cause aussi anxiété et dépression. Ce phénomène se nomme «technostress», un néologisme crée par le psychologue américain Larry Rosen.

«Ce n'est pas seulement le stress causé par l'utilisation de différents moyens de communication ou de technologie. C'est de se poser la question : 'Est-ce que je le veux vraiment, est-ce que j'en ai besoin ?'. Il s'agit aussi du stress en raison de l'utilisation de moyens technologiques autour de soi», décrit le professeur de l'Université de l'État de Californie.

Intéressé au phénomène depuis les années 80, le psychologue observe les impacts de la technologie sur la population étatsunienne. Auteur de plusieurs livres à ce sujet et reconnu mondialement en matière de psychologie de la technologie, il a observé de grandes différences dans l'adaptation de plusieurs générations.

Les jeunes

Entre tous les utilisateurs de boutons, d'ondes et d'Internet, les grands gagnants n'ont pas plus de 25 ans.

«Ma fille est à l'ordinateur, faisant la conversation à ses amies sur Internet, téléphone cellulaire en main, le Ipod dans une oreille, avec la télévision comme trame de fond. Je lui demande quand elle compte étudier, et elle me dit que c'est ce qu'elle fait», raconte le psychologue.

«Les jeunes voient la technologie comme de l'air. Ce n'est pas pertinent de souligner qu'il y a de l'air !», estime celui qui vient tout juste de terminer une étude sur l'impact des sites Myspace sur les jeunes. Le site Myspace.com permet de créer gratuitement une page où les internautes affichent ce qu'ils veulent, créant une petite communauté virtuelle. L'intérêt est tel pour le site que de ne pas l'utiliser peut amener le rejet de certains jeunes.

Malgré les apparences, les jeunes ne sont absolument pas dépendants de cette technologie, analyse le psychologue. Habitués à la présence quotidienne des Ipod, ordinateurs et autres bébelles technologiques, jeunes et plus jeunes ne connaissent aucune autre réalité. Ils sont ennuyés à en pleurer lorsqu'ils n'ont pas de joujoux électroniques entre les mains. Sans compter l'horreur qu'ils ont de la lenteur. «Ils ne peuvent pas tolérer les cours magistraux !»

Avoir si bien assimilé la technologie a son coût. Ces futurs travailleurs utilisent des cerveaux conditionnés aux multitâches. Ils ne peuvent pas se concentrer sur une seule tâche, trop habitués à être bombardés de tous les côtés. À son avis, un clash entre générations est imminent sur le marché du travail. Mais le sommet a été atteint, croit-il. «Les jeunes ne feront pas plus de multitâches, mais le feront de façon plus intelligente dans le futur.»

Le docteur Rosen prédit également l'explosion successive d'autres «gadgets» du genre Ipod et cellulaires, des inventions somme toute récentes. «Myspace n'existait pas il y a deux ans.Aujourd'hui, l'idée génère 600 millions de dollars en revenus, analyse-t-il, le monde sera pris dans une nouvelle tempête similaire à celle-là dans le futur.»

Êtes-vous «technostressés»?

Pour le docteur Larry Rosen, l'omniprésence technologique d'aujourd'hui affecte trois groupes d'âge de façons très différentes. Voici, selon lui, ces trois générations, leurs caractéristiques, et leur degré de stress face à la foule de moyens de communication.

Les baby-boomers

Née entre 1946 et 1964, cette tranche de la population s'avère la plus touchée par le «techno-stress». «Eux, comme moi, ont été élevés sans la technologie. Ça a été tout un défi de s'adapter, il a fallu embrasser la technologie», dit le docteur Rosen. Les Blackberry, cellulaires et autres gadgets figurent comme une greffe au travail qu'ils connaissent. Raison pour laquelle ils sont incroyablement stressés : «envoyer un courriel peut être un obstacle pour eux !», analyse le psychologue. Forcés à s'adapter, il en résulte une anxiété chronique face à la présence de la technologie dans la vie quotidienne.

La Génération X

Provenant des années 65 à 80, la X a été exposée plus que ses aînés, mais moins que ses enfants à l'incidence technologique. Catégorie à cheval sur l'ère électronique, hommes et femmes X n'ont pas baigné dans ordinateurs et cellulaires, mais s'y adaptent lentement. Par rapport aux jeunes d'à peine vingt ans, ils intègrent la technologie beaucoup moins rapidement. Ce n'est pas pour eux une seconde nature, souligne le psychologue. Dans une entreprise, cette génération se sent menacée par les jeunes prodiges capables de maîtriser tous les moyens de communication. Ils engouffrent pilules contre l'anxiété, médicaments pour contrôler l'hyperactivité et antidépresseurs à un rythme alarmant, constate le docteur.

Les MySpacers

Enfin, les cadets de la famille, dans la mi-vingtaine en descendant. Ceux-là ne parlent même plus de la saturation de la technologie : ils ne connaissent pas le monde sans elle. «Pour eux, c'est comme de l'air, tellement présent que ce n'est même pas pertinent d'en parler. Ils vivent très bien dans un univers virtuel», soutient le docteur Rosen. Au summum du multitâche, ils ne ressentent aucun stress face à la technologie. Au contraire, ils la recherchent activement. Leurs habitudes de consommation vorace imposent le rythme effarant de la multiplication des nouveautés. Même la sphère politique devra apprendre à s'adapter à cette invasion.