On nous la sert souvent, celle-là : il n'y a rien pour remplacer un livre, un journal, un magazine. Rien pour remplacer l'imprimé, nous balance-t-on, avec «le e-book ça n'a pas marché» pour argument d'autorité.

On nous la sert souvent, celle-là : il n'y a rien pour remplacer un livre, un journal, un magazine. Rien pour remplacer l'imprimé, nous balance-t-on, avec «le e-book ça n'a pas marché» pour argument d'autorité.

Les écrans des ordinateurs personnels ont fait des progrès immenses ces dernières années: meilleure résolution, portabilité, légèreté. Les contenus écrits se déversent aussi dans les baladeurs numériques et dans les téléphones cellulaires, dont les écrans permettent un minimum de lecture conviviale. Aux États-Unis, les librairies Borders comptent vendre d'ici la fin de l'année un «baladeur littéraire», mini-ordinateur portable dont l'écran favorise une lecture conviviale.

Arrive maintenant le coup fatal au papier de fibres, celui inventé par les Chinois qui ont aussi imaginé les premiers procédés d'imprimerie et de typographie pour influencer Gutenberg, l'inventeur officiel (selon les Occidentaux) d'une technique qui a prévalu jusqu'à maintenant.

Quelques siècles plus tard, arrive donc le papier numérique. Il est fait de plastique. Il est souple. Il permet de lire les contenus numérisés comme l'ordinateur personnel, le téléphone portable ou le baladeur numérique. Il exige un minimum d'énergie. Plusieurs formats de cette «feuille» sont envisageables - livre, magazine, journal, etc. Il sera parmi nous dans quelques mois. On pourra l'utiliser sur le canapé, au lit, dans le métro ou dans la salle de bain.

La résolution des images de ce papier sera supérieure à celle qu'on connaît des ordinateurs (sauf le haut de gamme), puisqu'il faudra assurer une visibilité optimale dans des conditions difficiles pour la lecture ou même l'écriture à la main. Des commandes toutes simples permettront d'en «tourner» les pages ou encore accéder à d'autres contenus. Chaque jour, on le connectera aux services d'approvisionnement de contenus de son choix. Une clef de type USB (périphérique de stockage d'information) ou une connexion sans fil permettra de l'alimenter.

Science-fiction ? Nenni. Sony, Kodak, Philips, Anoto, Fujitsu sont parmi les grandes entreprises sur les rangs du papier numérique, auxquelles se greffe une multitude de petites entreprises qui déblaient actuellement le terrain.

La société japonaise Fujitsu, par exemple, lancera cette année son papier numérique. «Il se présente avec la texture et la brillance d'une feuille de papier. Ses capacités de réécriture seraient illimitées, malgré les risques de déformations à l'usage du papier et la possibilité de le faire circuler. Son originalité provient de sa capacité à mémoriser ce qui aura été saisi dessus», note-t-on sur le site Internet www.silicon.fr.

Anoto, une entreprise suédoise, est à l'origine d'un autre procédé "innovant permettant le transfert de textes manuscrits vers un ordinateur ou un téléphone portable. Ce procédé utilise un papier sur lequel a été imprimé une trame invisible grâce à laquelle chacune des positions d'un stylo bille muni d'un équipement spécial (caméra, processeur et émetteur) a été identifiée", explique-t-on sur le site de la Cellule de veille technologique de l'École Française de Papeterie et des Industries Graphiques (cerig.efpg.inpg.fr/accueil.htm).

L'industrie du livre, les entreprises de presse, les librairies, bibliothèques, dépanneurs et autres tabagies s'apprêtent donc à vivre ce que l'audiovisuel vit depuis un moment: la mort annoncée du contenu physique au profit du contenu numérisé... et consommé en mode illimité. Réunis la semaine dernière à Montréal dans le cadre du Symposium sur le droit d'auteur, des éditeurs du monde entier ont frémi à l'unisson devant cette perspective. À l'istar de l'audiovisuel, l'écrit fait face au déclin imminent de l'imprimé... que l'on doit néanmoins échelonner au cours de la génération. L'écrit fut le premier contenu portable du monde physique, il sera le dernier à basculer dans le monde virtuel.

On s'apprête donc à vendre des livres ou des périodiques à la pièce par Internet. On espère ainsi créer un iTunes music store en version librairie mais... Après un moment, on devra se rendre à l'évidence : l'accès illimité à des contenus moyennant des abonnements mensuels finira bien par s'imposer après quelques années d'essais/erreurs. Chose certaine, les modèles d'affaires de l'industrie de l'imprimé ne seront plus jamais les mêmes qu'ils ne le sont encore aujourd'hui.

Et les arbres pourront pousser en paix. Richard Desjardins s'en portera mieux.