Acte politique ou mauvaise plaisanterie? Le Bloc québécois est victime de cybersquattage. En tapant sur Internet l'adresse www.blocquebecois.com, la semaine dernière, La Presse s'est retrouvée, à la surprise générale, sur le site du Parti libéral du Canada.

Acte politique ou mauvaise plaisanterie? Le Bloc québécois est victime de cybersquattage. En tapant sur Internet l'adresse www.blocquebecois.com, la semaine dernière, La Presse s'est retrouvée, à la surprise générale, sur le site du Parti libéral du Canada.

La nouvelle a semé la consternation à la direction du Parti libéral, à Ottawa, qui jure ne pas être responsable. «Ce n'est certainement pas quelqu'un de lié officiellement au Parti libéral du Canada, et nous n'avons aucune raison de croire qu'il s'agit de quelqu'un lié officieusement, explique Tait Simpson, chargé de communication au PLC. Nous trouvons regrettable qu'un cybersquatteur utilise notre site à son avantage pour tenter de soutirer de l'argent.»

Après quelques recherches, La Presse a découvert que le site en question est enregistré au nom de «Joe Blow», qui habite, selon l'information fournie, à «anytown».

«On peut supposer que c'est une fausse adresse et une fausse identité, c'est donc impossible d'intenter un recours», souligne Catherine Bourgault, porte-parole au Bloc québécois, qui ne s'est pas offusquée outre mesure d'un tel canular. C'est déplorable, mais c'est un peu insignifiant. Ça s'est déjà fait sur plusieurs autres sites.»

Joint par La Presse, le responsable de ce canular répond qu'il n'avait aucune intention de s'enrichir ou de causer du tort au Bloc. «En gros, je l'ai fait parce que je le pouvais, raconte-t-il, sous le couvert de l'anonymat. Je trouvais absurde qu'un parti politique n'ait pas enregistré un site avec un nom aussi évident. Si j'avais voulu faire de l'argent, j'aurais mis de la publicité.»

L'homme dans la trentaine, qui détient la citoyenneté canadienne mais habite à New York, se décrit comme fédéraliste mais dit ne pas avoir d'affiliation politique. «J'ai beaucoup de respect pour Gilles Duceppe et Jack Layton et je pense que le Parti québécois a fait un bien meilleur travail au Québec que le Parti libéral, surtout depuis l'arrivée de Jean Charest», souligne celui qui a longtemps vécu au Québec.

Il ne se considère pas comme un cybersquatteur puisqu'il ne tire pas profit de son geste. D'ailleurs, le site blocquebecois.com, qu'il paye une quinzaine de dollars canadiens par an, a déjà présenté le site du Nouveau Parti démocratique et celui du Parti marijuana.

«Avec tous les problèmes qu'il a eu, j'ai pensé que le Parti libéral aurait besoin d'un peu de visibilité», raconte-t-il. Est-ce qu'il entend s'amuser encore longtemps avec ce site? «Oh oui, rétorque-t-il. Ce sont les 15 $ les mieux investis de ma vie.»

Les cybersquatteurs «font enregistrer des sites qui peuvent porter à confusion pour ensuite les revendre aux entreprises ou groupes», explique Vincent Gautrais, professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal et spécialiste des technologies de l'information.

«Mais c'est assez rare qu'on s'attaque aux partis politiques, ajoute-t-il. En 1996, un petit malin a vendu le site mcdonalds.com pour 1 million de dollars américains à cette entreprise. C'était alors presque une profession pour certains. Maintenant, ce n'est plus possible, il existe des recours en arbitrage.»

Pour faire transférer le site d'un propriétaire à un autre, il suffit d'en faire la demande à ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) et de répondre à trois conditions devant un arbitre: il faut prouver que l'usurpateur n'a pas la légitimité pour utiliser ce nom, qu'il est de mauvaise foi et qu'il s'agit d'un nom connu associé à une activité, à un organisme ou à une entreprise, explique M. Gautrais.

C'est un processus qui peut coûter entre 1200 $ et 5000 $.

Pour l'instant, l'auteur de ce canular, qui possède le site depuis plus de deux ans, compte bien renouveler son inscription lorsqu'elle arrivera à échéance, le 5 décembre 2006. «Le Bloc n'a jamais essayé de le récupérer», dit-il.

«La règle, pour les sites, c'est premier arrivé, premier servi», conclut M. Gautrais.

> www.blocquebecois.com

> www.blocquebecois.org