En 1999, le film Blair Witch Project a surpris le Tout Hollywood en utilisant Internet et le bouche à oreille comme principaux outils de promotion. Cette approche allait en faire le film à petit budget le plus rentable de l'histoire du cinéma américain et allait s'avérer le premier flirt entre le réseau des réseaux et la production cinématographique.

En 1999, le film Blair Witch Project a surpris le Tout Hollywood en utilisant Internet et le bouche à oreille comme principaux outils de promotion. Cette approche allait en faire le film à petit budget le plus rentable de l'histoire du cinéma américain et allait s'avérer le premier flirt entre le réseau des réseaux et la production cinématographique.

Sept ans plus tard, le portail Movielink.com était la scène d'une autre première importante: le 3 avril dernier, Brokeback Mountain a été le premier film à sortir en simultané sur DVD et sur Internet.

« Voilà la preuve officielle que le téléchargement de contenu de qualité est désormais une réalité» pour Hollywood, affirmait pour l'occasion Jim Ramo, directeur du site Movielink. Ce dernier, tout comme son homologue CinemaNow, a déjà signé des ententes de distribution pour d'autres superproductions, comme le nouveau King Kong et Harry Potter et la coupe de feu.

Éviter la catastrophe

Il faut dire qu'entre 1999 et 2006, le naufrage de l'industrie musicale et l'avènement des réseaux pair-à-pair (P2P) de la trempe de Bittorrent, qui permettent de télécharger l'équivalent du contenu d'un DVD en quelques heures à peine, ont permis aux producteurs cinématographiques d'avoir un aperçu de ce qui les attendait s'ils refusaient de s'adapter à la nouvelle réalité.

C'est d'ailleurs ce qui a mené le réalisateur Steve Soderbergh à déclarer, tout récemment, que le mode de distribution traditionnel des films hollywoodiens était " dépassé et inefficace ". Pour le prouver, le réalisateur d'Ocean's Twelve entend réaliser six films HD (haute définition) à petit budget et les distribuer le même jour dans tous les formats possibles: salles, DVD, Internet et télé payante.

Inutile de dire que cela fait trembler Hollywood, où la nervosité face aux changements technologiques en cours est palpable.

M. Night Shyamalan, réalisateur de Sixth Sense, a bien résumé la crainte générale en affirmant que «si les films se mettent à sortir en même temps en salle et en DVD, la majorité des cinémas vont devoir fermer leurs portes».

Changement de cap profitable

S'ils ne s'entendent pas sur les moyens, les grands studios s'entendent néanmoins sur la fin: transformer la distribution du contenu afin de la rendre imperméable aux pirates. Mais la solution ne consiste pas qu'à traîner en cour les propriétaires des sites illégaux d'échange de fichiers.

Bram Cohen, créateur de Bittorrent, qui a déjà écrit vouloir «construire de systèmes pour disséminer l'information et commettre de la piraterie numérique«, s'est ravisé depuis qu'il a reçu tout près de 10 millions de dollars américains de la part d'investisseurs en capital-risque afin de rendre ses opérations un peu plus propres. Depuis, il s'est engagé à faire de son service une plateforme de distribution légale de contenu hollywoodien, en vendant des films et de la musique.

Il n'y a pas que le cinéma qui soit en train de considérer Internet comme moyen de vendre ses produits. Des producteurs télévisuels y pensent aussi. Le réseau national CBS s'est récemment associé au service iTunes Store, d'Apple, afin d'y vendre des épisodes de ses téléséries les plus populaires. Pour les producteurs de ces séries, la différence est de taille: au lieu de recevoir une somme fixe d'environ 10 cents par téléspectateur de la part de CBS, elle reçoit au-delà de 1 $ par émission téléchargée!

Les producteurs québécois auraient intérêt à y regarder de plus près, s'ils cherchent encore une issue à l'impasse où se trouvent leurs séries à grand budget, comme celles récemment retirées des ondes de TVA et de la SRC. En vendant les épisodes à la pièce, une série populaire pourrait facilement s'en tirer à bon compte avec un auditoire moindre. Pas besoin de s'appeler Pierre Karl Péladeau pour s'en apercevoir...

Pour le téléspectateur, qui deviendrait ainsi une sorte de «webspectateur», c'est tout aussi profitable: il obtient du contenu de qualité qu'il peut écouter à sa guise, et qui n'est pas truffé de pauses publicitaires.