Et Google censuré en Chine? N'est-ce pas le but contraire d'un moteur de recherche (i.e. être un diffuseur d'information)?

Et Google censuré en Chine? N'est-ce pas le but contraire d'un moteur de recherche (i.e. être un diffuseur d'information)?

Depuis qu'on a appris le 25 janvier dernier que Google censurait certains résultats de recherche pour les internautes chinois, l'histoire a fait couler beaucoup d'encre, ou plutôt a généré beaucoup de kilo-octets de commentaires! Votre question dépasse largement la compétence de l'auteur de cette chronique dédiée à la recherche d'informations sur l'Internet. Car il s'agit bien sûr d'une discussion morale et politique.

Google n'est pas le premier à agir de la sorte sur le territoire chinois. Microsoft et Yahoo! en avaient fait de même auparavant. Pourquoi tant de remous autour de Google? Il s'agit principalement d'une question d'image et de positionnement. Google, jusqu'à tout récemment, a bâti sa notoriété sur une image d'enfant rebelle, au service de ses usagers, loin des préoccupations mercantiles. À un point tel qu'on aurait cru qu'il ne s'agissait pas là d'une entreprise privée dont l'objectif était de générer des profits, mais d'un service public. Une étude a d'ailleurs démontré que Google est la marque qui obtient le degré de notoriété le plus élevé dans le monde, devant des géants comme Nokia ou Starbucks.

Cela dit, Google comme tout moteur de recherche devrait n'avoir qu'un seul objectif: offrir à ses usagers les résultats de recherche les plus pertinents. Ce qui signifie a priori, aucune censure. Il existe à l'heure actuelle deux types de censures sur l'Internet: une censure pénale et criminelle, du moins au sens des démocraties occidentales (par exemple ayant trait aux crimes haineux ou à la pornographie). Celle-ci n'est que le reflet de ce qui existe dans le corpus légal concernant toutes les formes d'expression - le web étant un média comme un autre. Celle qui s'applique à Google, avec son propre assentiment, est d'une autre nature, puisqu'elle est politique. Je crois modestement qu'il soit inacceptable qu'on censure les résultats de recherche basés sur des critères politiques, a fortiori lorsqu'il s'agit de protéger la mainmise du pouvoir par un groupe.

Toutefois, la question à quelques millions de dollars demeure et elle n'est pas récente dans l'histoire de l'humanité. Premièrement, est-ce que faire des affaires et du commerce dans un territoire nous oblige à adopter les us et coutumes de ce territoire? La réponse est évidente: oui. L'odeur du citron a pour les occidentaux une connotation de propreté, de pureté. C'est la raison pour laquelle on ajoute un parfum citronné à tant de produits sanitaires. Par contre, aux Philippines, la même odeur rappelle la maladie et la mort. Si vous êtes un marchand de savon, vous seriez bien inconséquent de vendre aux Philippins un produit à odeur de citron. Sur cet aspect, et cet aspect seulement, Google a raison de se plier aux règles imposées par le gouvernement chinois: on fait des affaires en Chine en respectant les Chinois, en l'occurrence représentés par l'État. Et à cet égard, selon moi, Google n'est pas plus coupable que SNC Lavalin ou Bombardier d'aller y faire des affaires - leur faire un procès d'intention serait intellectuellement malhonnête.

Deuxièmement, et c'est là où ça se complique véritablement, compte tenu du fait qu'il s'agit ici d'un problème politique de liberté d'expression, la véritable question est: est-ce que Google encourage ou est complice de la violation des droits de l'Homme résultant des politiques chinoises? Comme le mettait en lumière la collègue de Technaute Marie-Eve Morasse, la question n'est pas tranchée. D'un côté, Reporters sans frontières crie au scandale, de l'autre un professeur d'éthique économique tempère la chose en affirmant que malgré ces violations, Google offre aux Chinois une ouverture sur le monde jamais vue depuis que le monde est monde en Chine. Vaut-il mieux une ouverture partielle sur le monde extérieur à aucune ouverture? Poser la question, c'est y répondre. La vraie question n'est pas là: est-ce que les usagers chinois de l'Internet ont véritablement besoin de Google pour bénéficier de cette ouverture? Une chose demeure: une des plus fortes croissance de pénétration de l'Internet au monde a lieu en Chine présentement.

Quant à moi, la véritable question est là. Quelques heures après l'annonce par Google, une pléthore de sites offraient aux internautes chinois des solutions pour contourner cette censure: celui-ci, par exemple. Je crois que c'est là l'élément fondamental: l'Internet, contrairement aux médias traditionnels, offre la possibilité à tout un chacun d'être le créateur et le diffuseur d'information. Google n'est pas la clef magique d'entrée sur l'Internet, malgré sa puissance indéniable. Les dissidents chinois, les revendicateurs de tout acabit, trouveront toujours le moyen de contourner les censeurs. Malheureusement, ce sera aussi le cas pour les criminels, les intolérants et tous les briseurs de liberté. Mais à l'inverse, l'Internet demeure et sera appelé de plus en plus à être un formidable outil de mobilisation sociale et de diffusion des idées.

Une note importante. Il faut souligner la (relative) honnêteté de la direction de Google dans cette histoire, qui a admis candidement que cette décision contrevenait à sa mission. On pourra me taxer de naïveté. Est-ce que la propagande corporative est pire que la propagande d'un régime communiste? Je vous laisse juger...

À vous de chercher maintenant - et de refiler vos tuyaux à vos amis Chinois... ;)