Comme leur nom le laisse clairement entendre, les technologies de l'information et des communications (TIC) ont, comme objet principal, l'information. Pour des raisons de sécurité, plusieurs entreprises, comme Ubisoft Montréal, tentent de protéger l'information plus précieuse, du genre à compromettre leur niveau de compétitivité, en imposant à leurs employés des clauses les enjoignant à respecter le secret d'entreprise.

Comme leur nom le laisse clairement entendre, les technologies de l'information et des communications (TIC) ont, comme objet principal, l'information. Pour des raisons de sécurité, plusieurs entreprises, comme Ubisoft Montréal, tentent de protéger l'information plus précieuse, du genre à compromettre leur niveau de compétitivité, en imposant à leurs employés des clauses les enjoignant à respecter le secret d'entreprise.

Rien de plus normal. Ce qui en embête plusieurs, c'est cette clause de non-concurrence qui empêche l'employé démissionnaire ou licencié d'aller cogner à la porte d'un rival pour poursuivre sa carrière.

Récemment, le président d'Electronic Arts Canada (EA), Alain Tascan, écrivait une lettre d'opinions aux médias pour faire connaître son indignation face à la politique d'embauche d'Ubisoft. L'entreprise française inclut, dans son contrat d'emploi, une clause de non-concurrence et de respect du secret d'entreprise.

«Au nom de tous les concepteurs de jeu vidéo du Québec, j'exhorte Ubisoft de cesser sa pratique visant à contraindre des personnes talentueuses à signer des contrats d'emploi qui limitent leur liberté de création», peut-on y lire. «Chez Electronic Arts, nous croyons que la croissance et le développement de notre art dépendent de la possibilité qu'ont les personnes de talent de choisir la compagnie pour laquelle elles veulent travailler.»"

Ubisoft répond à cette missive en affirmant que la non-concurrence est «une clause standard, qui est monnaie courante dans l'industrie des technos et du multimédia». Martin Carrier, vice-président aux affaires corporatives d'Ubisoft Canada, en minimise l'impact, précisant que le créateur de jeux vidéo montréalais «ne l'a invoquée qu'une seule fois en huit ans» et que «la majorité du temps, les gens qui partent travailler ailleurs le font dans un climat de bonne entente».

Une clause qui se négocie

Alors, la clause de non-concurrence a-t-elle sa place dans les TIC? C'est une question à laquelle un réputé professeur en sécurité informatique de l'Université Norwich, au Vermont, répond par l'affirmative, mais avec quelques bémols.

«Surtout dans les technos, il faut pouvoir protéger la propriété intellectuelle avec des accords de non-révélation des secrets commerciaux», explique Michel Kabay.

C'est une mesure qu'on peut cependant accomplir sans avoir à imposer à ses employés des restrictions sur l'avenir hors de l'entreprise. «En début de carrière, une clause de non-concurrence doit être compensée par des avantages additionnels substantiels, sinon c'est qu'on n'a carrément aucun respect pour la main-d'oeuvre qu'on embauche, dit-il. Dans tous les cas, il faut faire vérifier le contrat d'embauche pas un avocat qui s'y connaît.»

Une mesure claire et précise

Une entente restreignant l'avenir d'un travailleur devrait au moins identifier les concurrents visés et imposer une limite de temps à la non-concurrence, indique le professeur. Car si l'entreprise désire conserver sa propriété intellectuelle intacte, le travailleur, lui, ne souhaite en aucun cas sacrifier sa valeur sur le marché du travail.

«De toute façon, aucune entreprise qui se respecte ne va demander à un nouvel employé de révéler les secrets de son ancien employeur», dit-il. Voilà qui invalide la nécessité, du moins théorique, de la non-concurrence. Pour le respect du secret professionnel, il y a même une alternative: celle d'inclure plutôt une clause interdisant le transfert du secret d'entreprise.

«Les travailleurs ont pleinement le droit de faire vérifier leur contrat d'embauche par un avocat, indique le porte-parole d'Ubisoft Montréal. Quoi qu'il en soit, si l'entreprise ne se sent pas menacée, la clause de non-concurrence ne sera pas utilisée.»

Pour revenir à la lettre ouverte d'EA Canada, M. Carrier ne connaît pas les raisons d'un tel émoi de la part de son rival direct, mais soupçonne qu'il peine probablement à trouver une quantité suffisante de main-d'oeuvre qualifiée. Il faut dire que c'est une denrée rare. Et comme c'est ce qui fait la différence entre un jeu vidéo ordinaire et un excellent jeu vidéo, on comprend pourquoi les deux sociétés tentent d'attirer et de retenir les développeurs de toutes les façons possibles.

Une clause anticoncurrentielle? Normal, mais pas nécessairement souhaitable. Elle doit être claire et précise, et ses limites doivent être connues et acceptées par le futur employé. Car ce qui serait vraiment bête, c'est que la carrière de ce dernier soit terminée avant même qu'elle ne commence...