Pendant que le réseau de la santé gratte les fonds de tiroir pour réduire les listes d'attente et financer les hôpitaux, les établissements multiplient l'achat de gadgets coûteux comme les BlackBerry.

Pendant que le réseau de la santé gratte les fonds de tiroir pour réduire les listes d'attente et financer les hôpitaux, les établissements multiplient l'achat de gadgets coûteux comme les BlackBerry.

C'est une véritable mode qui s'empare du réseau de la santé, a constaté La Presse. Particulièrement chez les directeurs d'établissement, qui ne peuvent plus s'en passer.

Grâce à ce nouveau joujou, ils ne manquent aucun appel, aucun courriel, qu'ils soient dans leur voiture ou dans une salle de réunion. Utile? Sans aucun doute. Indispensable? Non, croit le directeur du Conseil de protection des malades, Paul Brunet.

«Cela fait partie d'un kit qu'il est important d'avoir quand on prétend à un certain standing, qui n'a pas de lien direct avec l'amélioration d'un service à des gens qu'on a la mission de servir.»

Reflet d'une vogue certaine, le ministère de la Santé et des Services sociaux a mandaté la Sogique (Société de gestion informatique) pour créer un programme informatique.

Depuis le printemps dernier, un serveur permet de synchroniser tous les courriels. Peu importe où les usagers se trouvent, ils ont accès à leur messagerie du réseau de la santé grâce à leur terminal de poche BlackBerry et autres outils du genre.

Le nombre d'adeptes ne cesse d'augmenter. Le programme compte déjà 360 usagers. «Il augmente d'environ une dizaine par semaine», dit la porte-parole de Sogique, Julie Boudreau.

La facture aussi gonfle. Le réseau de la santé consacre déjà un demi-million par année à ces outils, selon nos calculs. Chaque BlackBerry coûte environ 1300 $ annuellement.

Le sujet provoque un malaise certain. Impossible de connaître le budget de cette nouvelle technologie ni son étendue. «C'est une décision qui revient à l'établissement. Les gens passent beaucoup de temps à l'extérieur du bureau, il y a plusieurs aspects dont il faut tenir compte et non pas seulement les aspects financiers», déclare la porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, Dominique Breton.

«Ça fait partie des budgets pour l'administration. Tout ce qu'on demande aux établissements, c'est d'avoir un budget équilibré», ajoute Lise Chabot, de l'Agence de santé et de services sociaux de Montréal.

Flairant la bonne affaire, les compagnies de téléphonie sollicitent les directeurs du réseau. Dans une lettre envoyée au dirigeant d'un organisme que La Presse a obtenue, Telus propose de faire connaître sa gamme de produits et les avantages qu'ils offrent.

Le directeur général du Centre de santé et services sociaux Ahuntsic-Montréal-Nord a succombé l'été dernier. Il a acheté 15 BlackBerry à son équipe de directeurs, un budget de 20 000 $ pour l'année. «Au net, c'est peut-être une facture de 12 000 ou 13 000 $ parce qu'on n'a plus besoin de payer pour des cellulaires», précise Marc Fortin.

Un «souci d'efficience et d'efficacité» l'a guidé dans sa décision. À la suite de la fusion de trois organismes, ses directeurs se promènent entre 10 établissements. Les réunions sont nombreuses.

«Je serais en difficulté si je n'avais pas cette technologie parce que je perdrais énormément de temps à courir après l'information et après les personnes qui détiennent ces informations qui sont mes directeurs. Certes, on pourrait travailler d'une autre façon, mais on perdrait plus de temps», affirme M. Fortin.

D'autres CSSS de l'île de Montréal ont aussi doté leurs directeurs de la nouvelle technologie. C'est le cas du CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent et du CSSS Côte-des-Neiges..