Un amendement sur le projet de loi DADVSI pourrait mettre en péril les logiciels libres. Étonnant comment certains lobbies font un brillant amalgame entre licence libre et peer-to-peer!

Un amendement sur le projet de loi DADVSI pourrait mettre en péril les logiciels libres. Étonnant comment certains lobbies font un brillant amalgame entre licence libre et peer-to-peer!

Depuis ce vendredi 25 novembre, la communauté du libre et de l'open source se remobilise. L'occasion? L'irruption d'un amendement «VU/SACEM/BSA/FT Division Contenus» au projet de loi DADVSI (droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information).

Ce projet de loi conclue les travaux de la Commission spécialisée portant sur les aspects juridiques des œuvres sur l'Internet - dite Commission Sirinelli du nom de son président, Pierre Sirinelli, professeur des universités - auprès du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, créée en novembre 2004.

Cet amendement, dénoncé, vise à assimiler à un délit de contrefaçon, l'édition, la diffusion et la promotion de tout logiciel susceptible d'être utilisé pour mettre à disposition des informations protégées par le droit d'auteur et n'intégrant pas un dispositif de contrôle et de traçage de l'usage privé.

Seraient donc visés les logiciels qui permettent le téléchargement, mais aussi certains logiciels de discussion instantanée (chat), et tout logiciel serveur, P2P, HTTP, FTP, SSH...

On mesure ici le danger pour le domaine des logiciels libres, l'open source, et même l'avenir de certains principes d'Internet, espace d'échange et de liberté.

Certains logiciels de P2P (peer-to-peer) permettent, il est vrai, des échanges illégaux de fichiers qui bafouent les droits du copyright: ils sont ici directement visés. Mais le problème est que le P2P n'est pas que cela: il devient une technologie qui s'intègre aux plus grandes applications (il sera par exemple présent dans Windows Vista). Or, le texte proposé en quasi catimini, un vendredi soir, est suffisamment flou et large pour menacer un pan entier de l'activité du logiciel !

En effet, le texte de l'amendement, initié par Vivendi Universal, vise à interdire «l'usage de code informatique lié à tout système d'échange de données, une démarche qui devient essentielle avec la convergence des technologies». Sauf s'il dispose d'un système de contrôle, c'est-à-dire soumis à l'approbation et au contrôle de l'industrie. Une autorisation légale aux logiciels espions, en quelque sorte !

«Le loup est sorti du bois», s'insurge, dans un communiqué, Christophe Espern, co-fondateur de EUCD.info, émanation de la Fondation pour le logiciel libre.

«Comment des personnes peuvent-elles à la fois prétendre défendre la culture et vouloir faire interdire les seuls logiciels permettant à tous d'y accéder ? À mon sens, la contradiction n'est qu'apparente : leurs intentions visent le contrôle du public. La culture n'est qu'un prétexte!».

Et il relate des propos pour le moins inquiétants proférés lors de la dernière réunion de la Commission Sirinelli au ministère de la Culture : «Vous allez changer vos licences» auraient déclaré peremptoirement le SNEP et la SCPP.

Et la SACEM aurait ajouté : «Vous allez arrêter de publier vos logiciels».

Si cet amendement était voté, la société des auteurs/compositeurs se dit prête à «poursuivre les auteurs de logiciels libres continuant de divulguer leur code source».

Cette affaire a tout d'une méthode peu glorieuse visant à une «adoption en douce» de textes controversés publiés au niveau national comme au niveau européen. Souvenons-nous du projet de loi sur les brevets logiciels glissé subrepticement dans les projets d'une commission de la pèche!

Cet amendement «VU/SACEM/BSA/FT Division Contenus» prend des allures de tentative détournée de passer «en douce» et dans l'indifférence générale une mesure réservée aux géants des médias culturels, sans se préoccuper des conséquences dramatiques pour le monde du libre.

En savoir plus : www.fsffrance.org ; www.eucd.info ; www.gnu.org.