(Paris) Craints comme potentiels outils de triche ou de plagiat, ChatGPT et autres intelligences artificielles sont désormais bannis d’écoles et d’universités un peu partout dans le monde, une réaction « à courte vue » pour ses défenseurs.

Depuis que ChatGPT et ses textes automatiquement générés sont devenus accessibles au public en novembre, des établissements scolaires inquiets tentent d’empêcher leurs étudiants d’y recourir, pendant les examens, mais aussi pour leurs devoirs maison.  

Elon Musk, l’un des fondateurs d’OpenAI, la start-up qui a créé ChatGPT, avait tweeté triomphalement début janvier : « C’est un nouveau monde. Adieu, devoirs à la maison ! ».

Première grande université européenne à essayer de faire barrage, Sciences-Po Paris a interdit fin janvier à ses élèves d’utiliser ChatGPT pour toute production écrite ou orale, sous peine d’exclusion.  

Le ministre français de l’Éducation a même évoqué des mesures plus globales. « Il va falloir intervenir là-dessus, on réfléchit à la bonne voie pour intervenir », a déclaré Pap Ndiaye jeudi sur France Inter. « Il est clair que nous avons sinon un adversaire en la matière, mais en tout cas nous avons à intégrer ces nouvelles données dans le travail des élèves et des professeurs ».  

Les textes produits par les IA sont pourtant selon lui « assez différents de ce que les élèves sont capables d’écrire et les professeurs sont capables de voir la différence ».

Papier et crayon

Dans quatre des six États d’Australie, dans l’enceinte des établissements scolaires publics, ChatGPT a été interdit d’utilisation en janvier grâce à un pare-feu, et l’appli proscrite sur les téléphones portables pour les étudiants sur place.  

Les plus prestigieuses universités du pays, tout comme des universités américaines, comptent accroître les examens sur place « avec papier et crayon » ou surveiller les écrans pour les étudiants en distanciel.

La ville de New York a de même interdit ChatGPT dans ses écoles publiques sur tous les appareils, au nom du manque de « construction d’un esprit critique » et par crainte de « plagiat ». Des écoles de Seattle et Los Angeles ont emboîté le pas.

En Inde, la RV University de Bangalore l’a interdit sur son campus et prévu plus d’examens surprise.

En Grande-Bretagne, l’Office de la réglementation des examens veut mettre en place une charte pour les écoles. Un membre du Parlement a récemment fait sensation en décembre en lisant avec un discours écrit par ChatGPT « à la manière de Churchill ».

À l’Université de Strasbourg, en France, une vingtaine d’étudiants, qui avaient triché à l’aide de cet outil lors d’un examen en distanciel, ont ensuite dû le repasser en présentiel.

Des plateformes d’images comme Getty Images et Shutterstock ont banni les images créées par des IA comme DALL-E, Midjourney et Stable Diffusion. Le forum dédié au code informatique Stack Overflow a proscrit les publications produites par ChatGPT, estimant qu’elles comportaient trop d’erreurs.

Les chercheurs sont eux aussi priés de s’abstenir. Début février, les journaux scientifiques américains Science et Nature ont averti qu’ils n’accepteraient plus que ChatGPT soit cité comme auteur et demandé aux chercheurs qui s’en serviraient de le mentionner.

Calculette

La Conférence internationale sur le Machine Learning, qui s’est tenue en janvier aux États-Unis, a refusé les présentations réalisées par ChatGPT, sauf s’il s’agissait de l’objet de l’étude.  

Devant ces débuts de fronde, OpenAI vient d’annoncer un programme qui aide à distinguer un texte écrit par ChatGPT d’un texte rédigé par un humain, mais pour l’instant, reconnaît-il lui-même, « pas entièrement fiable ».

Des partisans de l’outil, comme Sébastien Bubeck, chercheur en Machine Learning chez Microsoft, se sont insurgés contre des réactions « à courte vue ». « ChatGPT fait partie du futur, l’interdiction n’est pas la solution », a-t-il tweeté.  

De nombreux détracteurs de l’interdiction rappellent les mesures finalement abandonnées contre les calculettes ou Wikipedia à l’école. Des universitaires prônent d’encadrer plutôt qu’interdire, comme le vice-recteur de l’Université de Neuchâtel Martin Hilpert, qui préfère une discussion après remise d’un devoir. « On verra assez clairement si l’étudiant maîtrise son sujet », a-t-il dit à la presse suisse.

Bernardino Leon, chercheur à Sciences-Po, a également plaidé pour l’IA dans une tribune au Monde daté de vendredi, qui selon lui peut selon lui aider à la créativité.

« Lorsque les calculatrices sont utilisées dans l’enseignement, les compétences opérationnelles et de résolution de problèmes des élèves progressent », a-t-il argué.