(Toronto) L'entrepreneur Jonathan Hillis cherche de l’argent.

Dans les prochains mois, l’entrepreneur torontois espère pouvoir mobiliser 1 million grâce à une ronde de prédémarrage pour Payd, une application de carte étudiante qu’il a fondée. L’opération sera suivie d’une ronde de démarrage d’entre 3 millions et 4 millions.

Mais la tâche ne sera ni rapide ni facile.

Même si l’argent affluait dans les « jeunes pousses » ces dernières années, alors que les actions du secteur technologique grimpaient en flèche et que les gens étaient friands de technologie facilitant le télétravail après l’arrivée de la pandémie de COVID-19, la situation a changé et l’argent des investisseurs circule aujourd’hui beaucoup moins librement.

Des entreprises aussi importantes que Netflix et Twitter ont procédé à des licenciements et l’exubérance des investisseurs s’estompe, les entreprises technologiques tentant de se protéger d’une éventuelle récession.

« Les investisseurs canadiens étaient déjà assez réfractaires au risque au départ, alors débourser de l’argent en période de ralentissement est assez difficile dans la plupart des cas », a admis M. Hillis.

« Je pense que tout le monde est […] dans ce schéma d’attente, attendant que la poussière retombe. »

Payd a clôturé 25 % de son cycle de financement, mais s’est récemment demandé s’il lui faudrait ajuster sa valorisation en raison du climat actuel.

L’entreprise chouchou suédoise de technologie financière Klarna, populaire pour son service « achetez maintenant, payez plus tard », par exemple, a mobilisé 800 millions plus tôt ce mois-ci, pour une valorisation de 6,7 milliards, en baisse d’environ 85 % par rapport à sa valorisation de 46 milliards l’an dernier. Elle a également supprimé environ 10 % de son effectif en évoquant l’impact de l’inflation et de la guerre russe contre l’Ukraine sur le climat des affaires.

Quelle que soit la valorisation de Payd, M. Hillis s’attend à ce que le processus de financement soit plus lent que d’habitude en raison du marché actuel.

Tout le monde est en quelque sorte assis et attend en espérant avoir, dans les deux prochaines semaines, une meilleure idée de la direction que prendront les choses, afin que les investisseurs puissent prendre des décisions plus éclairées sur l’endroit où ils déploient (leur argent).

Jonathan Hillis

Forte baisse des investissements

La firme de données Briefed. In, de Waterloo, en Ontario, a révélé que les entreprises technologiques canadiennes avaient reçu 107 investissements totalisant 1,9 milliard au deuxième trimestre de cette année, contre 167 ententes et 4,9 milliards au premier trimestre de l’année et 184 investissements et 4,7 milliards au deuxième trimestre de 2021.

Le nombre d’investissements dans les entreprises de Toronto seulement a chuté de 69 % entre le premier et le deuxième trimestre de cette année et de 61 % depuis l’an dernier, tandis que le volume des transactions a diminué de 22 % par rapport au dernier trimestre et de 40 % par rapport au deuxième trimestre de 2021.

Les investisseurs ont récemment dû peser « une chose empilée sur une autre chose et sur une autre chose », a illustré John Stokes, cofondateur et associé de la société de capital-risque Real Ventures, qui a financé Clutch, Element AI, League et Mejuri.

Dès que le nombre de cas de COVID-19 a diminué, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a commencé, puis il y a eu un « ralentissement » du marché largement déclenché par la plus forte inflation annuelle en 39 ans et une flambée des taux d’intérêt.

À l’heure actuelle, la plupart des gens de l’industrie ont traversé « les différentes étapes du deuil » vis-à-vis du ralentissement et s’installent dans « la nouvelle normalité », a observé M. Stokes.

« Les gens commencent à réaliser que ça va être différent, mais […] aucun d’entre eux ne sait vraiment en quoi ça va être différent », a-t-il ajouté.

Un ralentissement ne change pas beaucoup le processus d’investissement de M. Stokes, car il suit toujours le même processus de diligence raisonnable et conseille aux entreprises dans lesquelles il investit de faire attention à leurs dépenses.

Cependant, il s’attend à ce que les entreprises en démarrage soient les plus touchées, car elles rencontrent généralement plus de difficultés à mobiliser des fonds. Ces entreprises recueillent généralement moins d’argent auprès d’investisseurs institutionnels et davantage auprès de sources privées et des gestionnaires de grandes fortunes, dont les actions ont été durement touchées ces derniers mois.

Des investisseurs plus prudents

Brendan King, directeur général de la société de logiciels Vendasta de Saskatoon, a souligné que les entrepreneurs qui mobilisaient des fonds dans cet environnement devraient s’attendre à ce que les investisseurs soient encore plus prudents que l’an dernier.

« Dans le passé, les gens se battaient pour faire ces investissements », s’est-il remémoré.

« Maintenant, ils ont beaucoup de temps, ils vont faire preuve de diligence raisonnable, ils vont examiner tous les aspects économiques. »

Vendasta a mobilisé 120 millions en financement privé en mai 2021. Bien qu’une grande partie de l’argent n’ait pas été utilisée, M. King parle constamment aux investisseurs, donc lorsque Vendasta aura besoin de plus d’argent, les relations sont déjà en place.

Même si les valorisations sont en baisse, il sent que les investisseurs ont encore de l’argent prêt pour saisir les bonnes occasions.

Vipan Nikore voit la situation de la même façon. Le médecin en est aux premiers stades de son financement pour Homecare Hub, une entreprise qu’il a cofondée en 2019 pour aider les personnes âgées et leurs familles à trouver des soins abordables et de qualité.

La mission de Homecare Hub a toujours été importante, a-t-il noté, mais cela est devenu plus évident pour les autres pendant la pandémie de COVID-19, et il espère que cela se traduira par une hausse de l’intérêt des investisseurs, même si les conditions actuelles se maintiennent.

Il a qualifié la perspective de valorisations plus faibles de « bonne chose », car elles signalent une correction du marché et freinent les entreprises qui mobilisent beaucoup d’argent sans en tirer grand-chose.

Il a ajouté : « Même si cela ne s’est pas produit, à un moment donné, ça va finir par se produire […] alors que je préférerais que ce soit le cas plus tôt que tard. »