Si le fait de ne toucher aux boutons de votre manette qu’une fois par minute et les images fixes vous rebutent, vous détesterez As Dusk Falls, et c’est dommage. Car la première œuvre du studio INTERIOR/NIGHT est bouleversante, avec des choix artistiques assumés, une narration menée de main de maître et un volet multijoueurs ingénieux.

D’entrée de jeu, on est prévenu assez lourdement : As Dusk Falls, une exclusivité pour les Xbox Series et PC, inclut des scènes de violence intense, de conflits familiaux, de santé mentale, de suicide et « autres thèmes matures ». C’est toutefois un autre aspect qui nous frappe : il n’y pas pratiquement pas d’animation dans les scènes d’action, uniquement une superposition d’images fixes avec transitions. Les images sont belles, avec des teintes délavées et d’un réalisme troublant, mais ce choix artistique étonne puis irrite. Il faut quelques bonnes heures de jeu pour ne plus s’y arrêter.

IMAGE FOURNIE PAR XBOX GAME STUDIOS

Un désert, deux familles

Disons que As Dusk Falls a quelques bons arguments pour faire oublier cet aspect. Le scénario est digne des meilleurs Quentin Tarantino-mais sans l’humour-ou des frères Cohen, ces films où les plus sombres côtés de l’âme américaine côtoient les plus lumineux. On a d’un côté les trois frères Holt, dont les deux plus vieux sont d’authentiques crapules malmenant le plus jeune, Jay. De l’autre, la famille Walker qui a quitté Sacramento en Californie après une bourde apparente du père, Vince, mécanicien en aéronautique.

Pas de divulgâcheur, ici, le préambule est dans la bande-annonce. En 1998, les frères Holt tentent un cambriolage dans la maison du shérif, Dante, et sont sur le point de se faire coincer. La famille Walker, après une panne sur la route 66, trouve refuge dans un motel d’un village perdu, Two Rocks. Les Holt débarquent et prennent tout le monde en otage. C’est le point de départ d’une histoire en six chapitres divisée en deux « livres », Collision et Expansion. Pratiquement tous les personnages ont des secrets honteux. Aucun n’est aussi pur ou maléfique qu’il n’y paraît à première vue, à part la petite Zoé, six ans. Les dialogues sont fins, durs, souvent surprenants et l’histoire vous tient en haleine pendant dix bonnes heures, le temps de boucler une première fois l’histoire.

Développements variables

Les interactions sont essentiellement de deux ordres. Vous avez de temps à autre une quinzaine de secondes pour décider de la réaction d’un personnage-Mentir ? Tourner en dérision ? Garder le silence ? -et ce choix guidera l’évolution de l’histoire.

L’autre intervention majeure de votre part consistera, dans certaines scènes d’action, à jouer rapidement du joystick ou d’un bouton pour fuir, sauter, esquiver ou donner des coups.

À la fin de chaque chapitre, une carte avec des embranchements vous indiquera les voies que vous avez suivies et quel pourcentage de joueurs ont fait les mêmes choix. Les bifurcations que vous n’avez pas empruntées sont invisibles jusqu’à ce que vous décidiez de recommencer un segment particulier en changeant vos choix. À l’évidence, on constate que des milliers de progressions différentes sont possibles mais que les variantes pour les fins sont moins nombreuses, jusqu’à quatre.

Vos choix contribuent en outre à définir votre personnalité. On y évalue votre capacité d’empathie, l’attachement à votre famille ou à l’honnêteté, votre rapidité à prendre des décisions.

L’autre volet important de de la mécanique de jeu, c’est qu’on a introduit la possibilité d’inviter jusqu’à sept autres joueurs, en mode local ou avec une application mobile, qui peuvent eux aussi participer aux choix. Celui qui prévaudra est tout simplement le choix majoritaire. Comme nous avons essayé le jeu avant sa sortie officielle, nous n’avons pu tester ce mode multijoueurs.

La parenté entre As Dusk Falls et des jeux axés sur la narration comme Beyond : Two Souls et Heavy Rain, développés par le studio Quantic Dream, n’est pas fortuite. Nous en avions l’intuition, un petit tour sur LinkedIn nous l’a confirmé : la PDG et directrice créative d’INTERIOR/NIGHT, Caroline Marchal, a travaillé pendant 11 ans chez Quantic Dream.

On retrouve avec As Dusk Falls cette qualité narrative remarquable qui a fait la marque de Quantic Dreams, et dont Mme Marchal est une des responsables. On y a ajouté une dureté et cette ambiance troublante des coins perdus aux États-Unis, le tout dans un choix graphique très audacieux.

Du bonbon, comme on apprécie les bons scénarios. Et qu’on accepte de laisser sa manette tranquille pendant de longs moments.

As Dusk Falls

Développeur : INTERIOR/NIGHT
Éditeur : Xbox Game Studios
Pour Xbox Series X et S, PC
Sortie le 19 juillet 2022
Prix : 39,99 $

Testé sur une Xbox Series X avec une copie fournie par Xbox Game Studios