(Paris) Concept à la mode qui agite autant la sphère tech que les communicants, le web3 est présenté par ses partisans comme la nouvelle version de l’internet, davantage décentralisée et fondée sur la blockchain, la technologie derrière les NFT et les cryptomonnaies.

« Il semble que ce soit plus une expression marketing qu’une réalité pour le moment », a toutefois critiqué fin décembre le patron du constructeur automobile Tesla, Elon Musk, pour souligner le caractère fourre-tout du web3, à l’instar d’autres concepts en vogue comme le métavers. Tentative d’explications.

Quelle évolution de l’internet incarne le web3 ?

Le web3 serait le troisième âge de l’histoire de l’internet, successeur, selon ses défenseurs, du web 1.0, qui a régné du début des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000, et du web 2.0, hégémonique depuis la décennie 2010.

Incarné par des acteurs comme Yahoo ! ou AOL, le web 1.0 renvoie aux premiers usages de l’internet avec ses pages statiques permettant de consulter essentiellement de l’information, ou l’envoi de courriels.

Le web 2.0 marque l’ère de l’internet social et interactif, où les utilisateurs peuvent produire et faire circuler des contenus multimédias. Il consacre le règne d’une poignée de grandes plateformes centralisées comme Google, Amazon, ou Facebook.

Concept attribué à Gavin Wood, co-fondateur de la blockchain Ethereum, le web3 renvoie à l’idée d’un internet décentralisé, où les utilisateurs contrôleraient leurs propres données, sans l’aide d’intermédiaires.

Au chiffre trois (« three » en anglais) s’ajoute ainsi le sens de « free » (« libre »), évoquant le retour d’un internet plus indépendant des États comme des géants du net, comme ce fut le cas à l’origine.

Quelle technologie permet cette évolution ?

Le web3 est intimement lié à la technologie de la blockchain, sorte d’immense registre numérique partagé entre une multitude d’utilisateurs, sans autorité centrale et réputé infalsifiable, recensant l’intégralité de l’historique des transactions.

Née après la crise financière de 2008, la blockchain la plus célèbre est le Bitcoin et sa cryptomonnaie associée, totalement virtuelle. De nombreuses autres ont depuis été lancées comme Ethereum, Solana ou encore Polygon.

Ce sont sur ces blockchains que s’appuient projets et applications estampillés web3 comme les jetons non fongibles (NFT), des certificats d’authenticité numériques non reproductibles qui tirent leur valeur de l’objet réel ou virtuel auquel ils sont attachés.

De quoi rendre à l’internaute autant un pouvoir de décision que de propriété sur ce qu’il crée ou consomme sur le réseau.

« Avec le web3, les gens créent de la valeur, mais en captent aussi une partie, ce qui change tout pour les artistes par exemple. C’est un web qui leur appartient, où ils reprennent le contrôle sur la création et sur ce qu’ils possèdent », explique à l’AFP Nicolas Julia, fondateur de Sorare, une startup française de jeu en ligne d’échanges de vignettes sous la forme de NFT.

« C’est ça qui va permettre de réinventer tout un tas d’industries, que ce soit l’art, la musique ou le sport », ajoute-t-il.

Le métavers fait-il partie du web3 ?

Bien qu’ils soient liés, notamment par la technologie de la blockchain et la possibilité de détenir en leur sein des actifs numériques comme les NFT, web3 et métavers décrivent deux concepts différents.

Propulsé sur le devant de la scène à l’été 2021, le métavers désigne un univers numérique et social, censé prolonger la réalité physique via la réalité augmentée ou virtuelle, et faire passer internet de la 2D à la 3D.

Sa promesse suffit-elle à l’amalgamer à la révolution web3, alors que le métavers est porté notamment par Meta (Facebook), l’une des entreprises phares du web 2.0 et symbole d’une vision centralisée de l’internet ?

« La réponse sera donnée dans plusieurs années, car, aujourd’hui, le web3, on ne sait toujours pas ce que c’est », résume auprès de l’AFP Julien Pillot, spécialiste du numérique et des industries culturelles.

« Soit on est sur la vision puriste » d’un internet complètement décentralisé, soit sur une définition fondée seulement sur « la capacité d’immersion », ajoute-t-il, prédisant « une controverse » inévitable à l’avenir entre les deux visions.