(Las Vegas) « Qu’est-ce que le métavers sans les sensations ? C’est juste des avatars », lance José Fuertes, dont la veste haptique, garnie de capteurs, permet de sentir aussi bien les câlins que les coups de poing en réalité virtuelle.

Au salon des technologies de Las Vegas (CES), de nombreuses entreprises en démarrage ont dévoilé cette semaine leurs innovations censées permettre de construire le « métavers », univers parallèle où doivent se fondre les réalités humaine, augmentée et virtuelle.

La veste moulante comporte des bandes qui collent à la peau, avec des capteurs reliés à une application mobile. Avant d’enfiler un casque de réalité virtuelle (VR), l’utilisateur peut choisir l’intensité de chaque sensation, des piqûres d’insectes au sang qui coule d’une blessure par balle.

« Nous voulons donner corps au métavers, avec une seconde peau, qui ajoute le sens du toucher dans les mondes virtuels », explique M. Fuertes, patron de l’entreprise espagnole Owo.

Le vêtement, qui sera commercialisé pour moins de 574 $ en fin d’année, évoque le roman Ready Player One, où l’humanité vit, joue et étudie dans une société virtuelle parallèle grâce à des dispositifs haptiques.

Cet horizon de science-fiction semble toutefois lointain, quand la bande passante est encore souvent trop réduite dans de nombreuses parties du monde, y compris la Californie, ne serait-ce que pour des appels vidéo.

Mais Facebook, récemment rebaptisé Meta, a donné un élan sans précédent au vaste chantier du métavers quand son patron Mark Zuckerberg a décrété, l’année dernière, que c’était l’avenir de l’internet et annoncé des investissements colossaux.

Inéluctable ?

De nombreuses briques sont nécessaires pour le faire émerger à grande échelle, au-delà des poches existantes dans les jeux vidéo, comme Roblox ou Fortnite.

Il faudra que les lunettes deviennent confortables et abordables, et que les cas d’usage immersifs se multiplient.

Se pose aussi la question de l’interopérabilité, pour pouvoir passer d’un monde virtuel à l’autre, ce qui n’est pas encore possible.

« Je suis un grand admirateur de réalité augmentée et de VR [réalité virtuelle], mais les équipements ne sont pas au point. Je ne crois pas qu’il se passe quoi que ce soit d’excitant avant cinq à dix ans », avance Paddy Cosgrave, patron du Web Summit, salon européen des technologies.

« Rien ne peut arrêter » le métavers, assure de son côté Edo Segal, fondateur de TouchCast, spécialiste de l’événementiel et de la VR.

Il a lancé mercredi une plateforme collaborative en VR pour les entreprises, qui pourront y créer leur adresse en « .metaverse », comme « .com » sur le web. Mais leurs domaines seront enregistrés sur la chaîne de blocs, et non sur des serveurs.

En 1999, on avait du mal à croire qu’on allait acheter des choses en ligne. Aujourd’hui, on assiste à la migration du web 2.0 au web 3.0, l’internet décentralisé.

Edo Segal, fondateur de TouchCast

La pandémie a déjà un peu popularisé la VR. Au quatrième trimestre 2020, un million d’exemplaires du casque Quest 2 d’Oculus (Meta) ont été vendus dans le monde, d’après Statista.

« Comme un cyborg »

PHOTO PATRICK T. FALLON, AGENCE FRANCE-PRESSE

La jeune pousse israélienne Wearable Devices travaille sur un bracelet qui détecte les signaux électriques envoyés par le cerveau à la main : l’utilisateur peut commander des objets connectés d’un claquement de doigts.

Depuis les restrictions sanitaires, Takuma Iwasa passe ses week-ends sur VRChat, plateforme où les avatars peuvent créer des mondes 3D et y passer du temps à discuter et organiser des soirées.

Fin 2020, le jeune entrepreneur japonais a décidé de concevoir des équipements adaptés : des capteurs à attacher au torse et aux jambes pour rendre les mouvements de l’avatar plus fidèles, un boîtier qui donne la sensation de la température et un micro qui isole du monde réel.

Surtout, sa jeune pousse Shiftall (Panasonic) sortira au printemps des lunettes de VR plus légères, plus sophistiquées – et plus chères – que les modèles actuels.

« Dans Ready Player One, ils ont des combinaisons avec tous les systèmes intégrés. Mais pour l’instant, il faut les porter séparément, comme un cyborg », s’amuse-t-il en montrant des mouvements de danse que son avatar, un personnage féminin de manga, reproduit à l’écran.

La jeune pousse israélienne Wearable Devices travaille quant à elle sur un bracelet qui détecte les signaux électriques envoyés par le cerveau à la main : l’utilisateur peut commander des objets connectés d’un claquement de doigts.

Une fonction qui pourrait notamment permettre, à l’avenir, de contrôler l’affichage sur des lunettes à réalité augmentée, sans sortir nos téléphones intelligents.

« On va tester beaucoup de choses complètement folles, un peu comme les premiers avions et voitures », réagit Marc Carrel-Billiard, responsable de l’innovation chez Accenture.

Mais à mesure que le métavers gagne du terrain, on va aussi y retrouver les travers de la société, du harcèlement à la désinformation, admet-il.

« Il va falloir éduquer les utilisateurs aux risques, par exemple celui qu’on vous projette une “fausse réalité” sur vos lunettes. »