(Shanghai) En butte aux sanctions américaines, le mastodonte chinois des télécoms Huawei a annoncé mardi le déploiement imminent de son propre système d’exploitation, HarmonyOS, sur l’ensemble de ses téléphones intelligents, dans le cadre de sa stratégie de diversification.

Au cœur de la rivalité sino-américaine, Huawei, soupçonné par l’ex-administration Trump d’espionnage, a été placé en 2019 sur liste noire par Washington, ce qui empêche le groupe chinois d’accéder à des technologies américaines pour ses produits, et notamment le système d’exploitation Android, propriété de Google et utilisé par la quasi-totalité des fabricants de téléphones intelligents hors Apple.

Dans une courte vidéo sur les réseaux sociaux, le groupe basé à Shenzhen a annoncé que HarmonyOS, présenté pour la première fois en 2019, serait disponible sur tous ses téléphones au niveau mondial à compter du 2 juin, sans donner plus de détails.

HarmonyOS avait dans un premier temps été progressivement déployé sur les appareils connectés de Huawei, notamment ses téléviseurs. L’intégration du système à l’ensemble des téléphones de la marque représente une étape cruciale.

Les observateurs restent toutefois sceptiques quant à la capacité de Huawei à rivaliser avec les systèmes d’Apple (iOS) et de Google (Android), qui équipent déjà l’immense majorité des téléphones dans le monde.  

« Peu d’emprise »

Dans une note interne à ses salariés consultée mardi par l’AFP, le fondateur de Huawei, Ren Zhengfei, appelle ses salariés à une transformation tous azimuts de son groupe et à accélérer l’autonomie dans les logiciels.  

PHOTO ALY SONG, ARCHIVES REUTERS

Ren Zhengfei

Ainsi, « les États-Unis auront très peu d’emprise sur notre développement futur », écrit l’homme d’affaires de 76 ans, dans un document qui reprend des déclarations déjà formulées dans le passé.

Les sanctions américaines poussent la firme à accélérer sa diversification dans des secteurs comme l’informatique dématérialisée (« cloud ») ou les véhicules connectés, au-delà de la 5G où il est déjà un des leaders du marché.

Huawei a ainsi annoncé le mois dernier son souhait de travailler en partenariat avec des constructeurs automobiles chinois pour déployer des véhicules intelligents.

Les analystes estiment que la montée en puissance de la 5G, la dernière norme de téléphonie mobile qui doit permettre d’accélérer la numérisation de l’économie mondiale, devrait offrir au groupe de nouvelles opportunités ces prochaines années.

« Il est donc normal d’aller dans cette direction », souligne l’analyste Marc Einstein, pour le cabinet d’études IRT, basé à Tokyo.

En investissant dans le « cloud » et les logiciels, le géant des télécoms se retrouvera cependant en concurrence avec d’autres acteurs de la tech chinoise comme Alibaba, Tencent et Baidu, qui y investissent également massivement, prévient M. Einstein.  

« Politique d’ouverture »

Huawei a été un temps l’un des plus gros vendeurs mondiaux de téléphones intelligents avec le sud-coréen Samsung et Apple. Mais les sanctions américaines ont bouté l’entreprise chinoise hors du podium.  

Au premier trimestre, les ventes de Huawei en Chine ont chuté de 50 % sur un an, selon une étude du cabinet Canalys, publiée le mois dernier. Et sur son marché, le groupe est désormais devancé par ses compatriotes Vivo et Oppo.  

Sous l’effet des sanctions, Huawei a dû se séparer en novembre dernier de Honor, une marque de téléphones intelligents d’entrée de gamme.  

Le fondateur de Huawei s’était toutefois voulu rassurant sur la « survie » de l’entreprise en février, appelant la nouvelle administration Biden à « une politique d’ouverture » après les coups de l’ère Trump.

Sous la présidence Trump, Washington martelait que les services de renseignement chinois pouvaient utiliser les équipements de réseau de télécoms construits par Huawei pour surveiller les communications et trafics de données d’un pays.

Fortement incités par Washington, des pays alliés des États-Unis, comme le Royaume-Uni ou l’Australie, ont décidé d’exclure Huawei de leur marché de la 5G, alors que plusieurs pays de l’Union européenne cherchent à en réduire l’empreinte dans leurs réseaux mobiles.