Google n’a pas obtenu le consentement des millions de Québécois qui ont vu leurs photos téléchargées et analysées à leur insu sur Google Photos, accuse un résidant de Vaudreuil-Dorion dans une demande d’action collective déposée ce vendredi en Cour supérieure.

Cet utilisateur, Michael Homsy, vise surtout la technologie de reconnaissance faciale utilisée par le géant des moteurs de recherche, appelée FaceNet, qui permet d’identifier les individus avec un taux de précision de 99,63 %. Toute photo transférée dans l’espace infonuagique généralement gratuit de Google Photos est analysée et les visages convertis en données biométriques.

« Les identifiants faciaux biométriques sont uniques du point de vue biologique, et intrinsèquement privés pour chaque personne concernée par cette action collective, fait valoir M. Homsy dans cette requête. Comme les empreintes digitales et l’ADN, ils permettent l’identification d’un individu avec précision dans un vaste éventail de circonstances. »

Analyse tous azimuts

Selon des statistiques citées dans la demande, Google Photos comptait 4000 milliards de photos en novembre 2020, avec 28 milliards d’ajouts chaque semaine. Le logiciel est implanté par défaut dans le système d’exploitation Android depuis 2015 et serait utilisé par près d’un milliard de personnes.

Or, selon cette requête, Google Photos analyse tous les visages qui figurent sur une photo, qu’ils appartiennent ou non à un utilisateur de la plateforme. On estime en outre que Google n’a jamais divulgué le but, la durée et la disponibilité à d’autres entreprises de ces informations confidentielles.

« Chaque participant à cette action collective a le droit de contrôler ses propres identifiants biométriques faciaux, peut-on lire. (Google) n’a pas obtenu le consentement de ces participants pour l’extraction, la collection, le stockage et l’utilisation de ces identifiants à traves Google Photos. »

On affirme plutôt que Google a fait de fausses représentations à cet égard dans ses politiques de confidentialité. Celles-ci contiennent par exemple des affirmations comme « Nous bâtissons une confidentialité qui vous sert » ou « Nous vous gardons informé sur les données que nous collectons, comment elles sont utilisées et pourquoi. »

« Peur » et « trahison »

M. Homsy explique avoir pris des photos de lui-même et d’autres personnes avec un appareil Android acheté en mars 2020. Il estime avoir ainsi transféré 5500 photos vers Google Photos. « En aucun temps, le demandeur ne savait que le défendeur [Google] extrayait, collectait, stockait et utilisait les données faciales biométriques de ses photos, peut-on lire. Le demandeur n’en a été avisé […] qu’en janvier 2021. »

Après cette découverte, il affirme avoir transféré toutes ses photos vers un autre serveur, celui de Dropbox, ce qui lui a coûté 171,44 $ et déclare avoir souffert de « dommages », « incluant des inconvénients, de l’anxiété et des dommages pécuniaires ».

« À la pensée que ses données biométriques personnelles sont entre les mains de tierces parties sans qu’il puisse en contrôler l’utilisation, le demandeur a été submergé par des sentiments d’impuissance, de trahison, de peur, de stress et d’anxiété », peut-on lire.

Il demande à la Cour supérieure de condamner Google pour avoir notamment enfreint le Code civil du Québec, la Charte des droits et libertés et la réglementation canadienne concernant la protection des renseignements personnels. Il réclame pour tout Québécois ayant utilisé Google Photos le paiement de « dommages moraux, matériels et punitifs à être déterminés par la Cour sur la base des preuves présentées au procès. »

La demande doit d’abord être autorisée par un juge, ce qui pourrait prendre plusieurs mois. C’est loin d’être la première fois que Google Photos fait l’objet d’une telle poursuite. Des procédures visant cette plateforme ont notamment été lancées depuis un an en Californie et en Illinois, aux États-Unis. Dans ce dernier État, Facebook avait accepté dans une cause semblable en janvier 2020 de régler à l’amiable pour un montant de 550 millions US. « Nous ne pouvons pas commenter le dossier puisqu’il est maintenant devant les tribunaux », a fait savoir à La Presse une porte-parole de Google.