(San Francisco) Même dans la galerie des fantasques patrons de la Silicon Valley, Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, a toujours détoné, à cause de son style vestimentaire, mais aussi comme dirigeant. Il restera dans l’histoire des réseaux sociaux comme celui qui a muselé l’ex-président américain Donald Trump, non sans états d’âme.

Lundi, six ans après avoir repris les rênes de Twitter, il a annoncé qu’il passait la main. « C’était (une décision) difficile à prendre, bien sûr. J’adore tellement cette entreprise, et vous tous », a-t-il écrit dans une lettre à ses 5,9 millions d’abonnés.

« Je suis très triste… mais aussi très heureux. Peu de sociétés parviennent à ce niveau. Et peu de fondateurs choisissent leur entreprise plutôt que leur ego », continue-t-il, avec une pique visiblement adressée à Facebook, l’un des rares géants des technologies encore dirigés par son fondateur, Mark Zuckerberg.

Le mandat de M. Dorsey a été marqué par la montée des problèmes de modération des contenus sur les réseaux sociaux, accusés de favoriser la division et la désinformation dans les sociétés démocratiques.

Début janvier 2021, le dirigeant a pris une décision sans précédent : bannir de Twitter Donald Trump - alors suivi par 88 millions de personnes - pour avoir encouragé les émeutes du Capitole qui ont fait plusieurs morts.

Mais il avait ensuite tweeté qu’il ne « ressentait aucune fierté », et que cette décision constituait un « échec à promouvoir une conversation saine » et établissait un « précédent » qui lui semblait « dangereux » par rapport au pouvoir détenu par les grandes entreprises.

Un look qui détonne

Jack Dorsey, qui vient de célébrer ses 45 ans, dirige aussi Square, un service de paiement numérique qu’il a co-fondé en 2015.  Il va conserver son siège au conseil d’administration de Twitter jusqu’à la fin de son mandat en 2022.

Il a conçu Twitter en 2006 avec ses acolytes Noah Glass, Evan Williams et Biz Stone alors qu’il travaillait pour la plateforme de podcast Odeo, et a connu une ascension fulgurante dans le monde de la technologie.

Dans la lignée de Steve Jobs, Mark Zuckerberg, Bill Gates ou Michael Dell, ce natif de Saint-Louis (Missouri) a arrêté ses études avant d’obtenir un diplôme universitaire.  

Il a appris la programmation informatique par ses propres moyens : avant de concevoir le programme de Twitter – en deux semaines selon la légende, avec l’Allemand Florian Weber – il avait créé un logiciel permettant de gérer des flottes de véhicules.

Aux débuts de Twitter, M. Dorsey arborait un piercing dans le nez et des dreadlocks. Il a par la suite adopté un style plus épuré, cachant généralement le tatouage de son avant-bras sous les longues manches de tenues sobres, mais gardant sa longue barbe de hipster.

Déjà évincé

Son premier passage à la tête de Twitter entre 2007 et 2008 s’était plutôt mal passé. Critiqué pour sa mauvaise gestion, M. Dorsey avait fini par se faire remplacer par Evan Williams.

Il avait toutefois conservé un rôle actif au sein de l’entreprise, qui est entrée à Wall Street en novembre 2013, faisant de lui un milliardaire en l’espace de quelques heures.

Selon le magazine Forbes, sa fortune personnelle s’élève actuellement à 11,8 milliards de dollars. Il possède 2,3 % des actions en circulation de Twitter, mais a fait don d’un tiers de ses parts peu après avoir retrouvé la tête du groupe.  

M. Dorsey était redevenu directeur général du réseau social en juillet 2015. Mais sa capacité à jongler entre ses responsabilités chez Twitter et chez Square ainsi que ses nombreux projets annexes interrogeaient de nombreux investisseurs ces dernières années.  

Le fonds d’investissement Elliott Management avait notamment cherché à l’évincer en 2020.

Massage et bitcoin

Ses goûts sont en effet très éclectiques : c’est un masseur certifié, il a pris des cours de botanique et de stylisme, et n’excluait pas en 2013 dans une interview sur CBS de briguer un jour la mairie de New York.

C’est par ailleurs un grand adepte des cryptomonnaies, en particulier le bitcoin qu’il a décrit à diverses reprises comme « la monnaie native de l’internet ».  

Il a vendu en mars son premier tweet, qui était le tout premier message publié sur Twitter, sous la forme d’un jeton non fongible (NFT) pour la coquette somme de 2,9 millions de dollars.

Sans enfant, il réside à San Francisco (Californie), où les sièges de Twitter et Square sont presque voisins sur une grosse artère du centre-ville. Dès mai 2020, il avait annoncé que les employés pourraient travailler de chez eux indéfiniment, même après la levée des confinements liés à la pandémie.