Ce qui a commencé en 2016 comme une idée un peu saugrenue, un programme de fidélité pour jeux mobiles, a permis à Mistplay de s’imposer comme l’un des succès montréalais les plus spectaculaires. Son taux de croissance de 13 545 % entre 2017 et 2020 lui a permis d’obtenir la troisième place, la première au Québec, au palmarès Technologie Fast50 de Deloitte, dévoilé mercredi.

Ce classement couronne depuis 24 ans les entreprises canadiennes qui enregistrent la croissance la plus rapide de leurs revenus.

« On est étonnés, c’est sûr, mais on reste humbles, dit en entrevue Henri-Charles Machalani, cofondateur et PDG de Mistplay, dont les bureaux sont au 481, avenue Viger Ouest, dans le Quartier international. On se sent chanceux d’avoir eu cette croissance. L’année 2020 a été difficile pour tout le monde, mais nous, on a triplé la taille de l’équipe, on est rendus 75. Et on a encore besoin de gens : on aimerait doubler le personnel avant la fin de l’année prochaine. »

Ses revenus annuels en 2021 se situent entre 50 et 100 millions de dollars.

Comme Aéroplan

Cet entrepreneur de 32 ans, diplômé de l’Université McGill en programmation en 2011 puis employé au siège social de Microsoft à Redmond jusqu’en 2015, est aujourd’hui à la tête de la plus importante plateforme de fidélisation de jeux mobiles au monde. Mistplay regroupe 350 jeux provenant de 180 développeurs. Son application a été téléchargée près de 20 millions de fois, pour Android seulement. « C’est vraiment compliqué d’aller sur l’App Store d’Apple, il faudrait changer le design, explique M. Machalani. On va sûrement le faire l’année prochaine. »

La plateforme compte 15 millions d’utilisateurs qui ont reçu – notamment en cartes-cadeaux d’Amazon, en cartes prépayées Visa et en crédits échangeables dans la boutique virtuelle, sur PayPal ou le Google Play Store – plus de 23 millions de dollars depuis sa création.

Le concept est inspiré à l’origine du programme Aéroplan, qui permet d’accumuler des points lors d’achats de vols sur Air Canada ou chez certains commerçants qui peuvent ensuite être dépensés auprès de 170 partenaires. « Il y a tellement de choix pour les consommateurs, ce sont vraiment les programmes de fidélité qui font que les gens restent attachés à une marque, explique M. Machalani. On a fait beaucoup de recherches, il n’y avait rien sur le marché pour les applications mobiles. »

Créer ses propres jeux

L’autre coup de dés, qui s’est avéré payant, a été de miser sur l’explosion de la popularité des jeux mobiles de type « freemium », gratuits au téléchargement mais avec des achats intégrés. « On avait la vision que le jeu mobile allait devenir plus gros que les marchés PC et consoles combinés, ce qui n’était pas le cas en 2016 », rappelle le PDG.

Les 30 premiers studios contactés ont été enthousiasmés, y voyant un outil pour se démarquer dans un marché très fréquenté où bien des jeux se ressemblent. Une première version de Mistplay a été proposée en 2017. « On a rapidement réalisé que les métriques étaient meilleures, les joueurs restaient plus longtemps, les utilisateurs aimaient vraiment ça. C’est comme donner une carte de crédit qui offre des récompenses à quelqu’un qui payait toujours comptant. »

Forte de son expérience et de sa connaissance des habitudes des joueurs, Mistplay prépare depuis un an une toute nouvelle aventure : la création de jeux mobiles. « On pense que c’est notre futur. En créant du contenu, on fait d’une pierre deux coups. »

M. Machalani note avec amusement que Mistplay a été conçue comme un « Netflix du jeu mobile », offrant un catalogue de jeux tout en faisant des recommandations aux utilisateurs. Et tout comme Netflix, en décidant dans une deuxième phase de créer son propre contenu.

Les jeux produits par Mistplay seront faciles à jouer avec des interfaces généralement minimalistes, à mi-chemin entre ce qu’on appelle « casual » et « hypercasual » dans le jargon. « Ça prend deux ou trois semaines pour créer un prototype, explique le PDG. Tu peux avoir beaucoup de succès, mais seul 1 sur 20 perce vraiment. »

Pour les jeux plus complexes, on mise sur des acquisitions. « À moyen terme, on veut devenir un éditeur, créer des partenariats avec des entreprises de jeu vidéo. On va les financer, s’occuper du marketing et diviser les profits. »

Mistplay veut également concurrencer un acteur important comme Unity en offrant à ses clients des outils de monétisation. « On a déjà les clients, les publicitaires. Tout ce qu’il nous reste à faire, c’est de créer la technologie. On est bien positionnés. »