Le Québec demeure la locomotive canadienne du jeu vidéo au Canada. Avec 291 studios et 13 500 employés, l’industrie peine toujours autant cependant à attirer les femmes, révèle l’étude 2021 de l’Association canadienne du logiciel de divertissement (ACLD).

Dévoilée mardi lors du grand rassemblement annuel du jeu vidéo montréalais, le MEGAMIGS 2021, l’étude montre également que le télétravail est bien ancré. Ainsi, 88 % des grands studios l’incluent maintenant dans leur mode d’opération, combiné à une présence « flexible » au bureau. « Il faut constater à quel point notre industrie a été résiliente depuis un an et demi, alors qu’au Québec seulement, il a fallu déménager 13 500 personnes tout en continuant de produire des jeux, constate Jayson Hilchie, président et chef de la direction de l’ACLD. Et il y aurait eu encore plus de croissance si on trouvait les personnes : il y a 2000 emplois non pourvus au Québec, nous grandissons si vite. »

Depuis l’étude 2019 de l’ACLD, l’industrie au Québec a connu une croissance de 4,7 % en termes d’emplois, mais, surtout, de 33 % en nombre de studios. En nombre absolu, c’est toutefois l’Ontario qui mène au pays avec 298 studios. Mais 199 d’entre eux sont des « microstudios » de moins de quatre employés. On en compte 148 au Québec, où on retrouve par ailleurs le plus grand nombre de grands studios, soit 22.

Attirer les femmes

Le coût moyen par employé à temps plein au Québec, qui inclut le salaire et les avantages sociaux, a été établi à 87 700 $, légèrement sous la moyenne canadienne de 90 400 $.

Au chapitre des moins bonnes nouvelles, la présence des femmes dans l’industrie continue d’être largement minoritaire. Elles représentent en 2021 23 % du personnel des studios au Québec, dans la moyenne canadienne. Elles étaient 19 % en 2019. Par ailleurs, 46 % des femmes embauchées travaillent directement sur les jeux.

Pour M. Hilchie, la solution à cette sous-représentation, qui pourrait également atténuer la pénurie d’employés dans l’industrie, réside dans le système d’éducation. « Nous devons enseigner les notions de base de l’informatique et de la technologie à un jeune âge, pour que les jeunes filles ne voient plus ça comme un stéréotype, qu’elles trouvent ça attirant pour elles. »

Jeux sans frontières

Le MEGAMIGS 2021, la grand-messe du jeu vidéo dont la deuxième édition complètement virtuelle a été lancée mardi, a par ailleurs été l’occasion de décortiquer un phénomène qui explose depuis quelques années, les jeux multijoueurs offerts sur presque toutes les plateformes, des consoles au PC en passant par les appareils mobiles. Fortnite, avec ses 9 milliards US de revenus dans ses deux premières années, est devenu le symbole qui fait saliver tous les studios.

Ce modèle est pourtant moins commun qu’on ne le croit, avec à peine 106 grands titres répertoriés, et n’est pas toujours facile à appliquer, a précisé lors d’une présentation Patrick Hansell, ingénieur partenaire senior chez Improbable, un studio établi à Londres qui travaille notamment sur le développement multiplateforme du jeu Scavengers.

« C’est un autre fardeau ajouté aux studios », note-t-il. Un jeu comme Genshin Impact coûte 200 millions US par année en développement, a-t-on appris, et nombre de studios y consacrent jusqu’à 300 personnes en permanence.

Son premier conseil, c’est de préparer le terrain dès le départ en utilisant une suite logicielle qui va permettre la conversion vers plusieurs plateformes.

Conçu pour être vu

Peut-on concevoir des jeux vidéo qui ne seraient pas destinés aux joueurs, mais aux spectateurs et aux streamers sur des plateformes comme Twitch ? Oui, répond sans détour Nicolas Eypert, fondateur du studio montréalais Watcha Games, dont c’est devenu le modèle d’affaires. Il était un des trois participants à un panel sur la « regardabilité » animé par l’ex-championne de sport électronique Stéphanie Harvey, soit l’art de rendre un jeu vidéo le plus séduisant possible pour être suivi par un spectateur.

« Certains streamers utilisent les jeux comme outils pour communiquer avec leur audience. C’est une autre façon de communiquer. »

Son studio a expérimenté et rendu disponibles des concepts conçus sur mesure pour ce genre d’interaction. Une gigantesque baignoire à remous où les participants plongent tous ensemble avec leur avatar, un vaisseau dirigé par un streamer qui fait office de capitaine et envoie des ordres à ses internautes, des jeux qu’on n’a plus besoin de télécharger, mais qui s’affichent sur Twitch… « Quand on a autant de spectateurs, ce n’est plus un jeu, c’est un évènement […] Nous ne pensons plus à faire un jeu vidéo, nous construisons un parc d’attractions thématique. »