(Washington) Négocier plutôt que s’affronter : l’administration Biden a signalé mercredi sa volonté de trouver un accord sur la fiscalité des géants du numérique en annonçant la suspension provisoire des droits de douane punitifs imposés à six pays, dont le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie.

À l’issue d’un an d’enquête, les services de la représentante américaine au Commerce (USTR) concluent que les taxes de ces pays sont discriminatoires contre les grands champions américains comme Amazon, Google ou Netflix et recommandent donc d’imposer « des tarifs douaniers supplémentaires sur certaines marchandises en provenance de ces pays ».  

Mais, l’ambassadrice Katherine Tai a décidé de les suspendre « immédiatement » pour une période allant « jusqu’à 180 jours pour donner plus de temps [aux pays] pour conclure les négociations multilatérales en cours sur la fiscalité internationale à l’OCDE et dans le processus du G20 ».   

Washington a toutefois été clair : la suspension, qui concerne aussi l’Autriche, l’Inde et la Turquie, ne signifie pas le retrait de ces droits de douane punitifs.

« La décision annoncée aujourd’hui donne le temps à ces négociations de continuer à progresser tout en conservant la possibilité d’imposer des tarifs douaniers en vertu de l’article 301 si cela se justifiait à l’avenir », a ainsi averti la représentante américaine au Commerce Katherine Tai.

Rachael Stelly, porte-parole de la Computer & Communications Industry Association (CCIA), organisation internationale défendant les intérêts de l’industrie numérique, a estimé qu’un « accord multilatéral fondé sur le consensus reste la meilleure voie à suivre ».

La CCIA salue néanmoins le fait que « les tarifs douaniers restent une option si les taxes discriminatoires persistaient ».

Sous l’égide de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), le G20 négocie une large réforme fiscale comprenant d’une part, une modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices réalisés dans chaque pays, indépendamment de leur établissement fiscal, et, d’autre part, l’imposition d’un taux de fiscalité sur les entreprises harmonisé à l’échelle mondiale.

Le premier volet vise en particulier les géants du numérique, qui paient des impôts souvent sans rapport avec les revenus et les profits qu’ils dégagent localement.

L’OCDE compte obtenir un accord de principe global lors du G20 finances des 9 et 10 juillet avant une réunion finale en octobre.

Les négociations, ouvertes il y a plus de quatre ans, s’étaient heurtées à l’opposition de l’administration Trump, soucieuse de protéger les « GAFA », acronyme désignant les géants technologiques américains comme Google, Amazon, Facebook ou Apple.

Changement de ton

Mais l’arrivée en janvier du président démocrate Joe Biden a changé la donne.  

La secrétaire au Trésor Janet Yellen avait peu après sa nomination officialisé le changement de cap de l’administration américaine.

L’enquête sur les taxes des services numériques s’est déroulée dans le cadre de l’article 301 de la loi sur le commerce de 1974, que l’USTR, sous l’ère Trump, avait utilisée à de très nombreuses reprises pour imposer des droits de douane punitifs.  

Lancée le 2 juin 2020, elle visait de nombreux pays dans le monde, dont ceux de l’Union européenne, le Brésil, l’Indonésie ou encore la Turquie, l’Inde et le Royaume-Uni.

Début janvier, l’administration précédente républicaine avait déjà suspendu l’application de ces taxes qui devait initialement survenir le 6 janvier.

Comme son prédécesseur Robert Lighthizer, Katherine Tai estime que les droits de douane restent un levier dans les négociations commerciales et sont parfois incontournables en cas d’absence de consensus.

Mais en l’espèce, « les États-Unis se concentrent sur la recherche d’une solution multilatérale à une série de problèmes clés liés à la fiscalité internationale, y compris nos préoccupations concernant les taxes sur les services numériques », a-t-elle argué mercredi.  

Elle souligne que Washington est déterminé à parvenir « à un consensus sur les questions fiscales internationales dans le cadre des processus de l’OCDE et du G20 ».  

En mars dernier, l’USTR avait par ailleurs clos les quatre enquêtes visant le Brésil, la République tchèque, l’Union européenne et l’Indonésie « parce que ces juridictions n’avaient pas mis en œuvre » leur projet de taxes sur les géants du numérique.