Oubliez les stands tonitruants, les foules cosmopolites et les gadgets révolutionnaires en démonstration pour le Consumer Electronics Show (CES) 2021, habituellement organisé à Las Vegas. La grand-messe techno annuelle a lieu cette année virtuellement. Et parmi les 1960 « exposants », deux fois moins que lors des années précédentes, on compte 22 entreprises québécoises qui y trouvent leur compte malgré l’absence de contacts humains.

Mais y a-t-il réellement un intérêt à participer à un congrès sur l’internet, qui a commencé lundi et se termine ce jeudi, où on ne peut rencontrer personne en chair et en os ? Le scepticisme est de mise, mais il semble que la formule ait réellement ses charmes. « Ce ne sera jamais aussi efficace que le présentiel, reconnaît Pierre-Sébastien Gauthier, directeur du marketing chez Lanterne digitale, une firme de production visuelle 3D de Québec. Peu importe la plateforme, il y a l’importance du contact humain. En Amérique latine, par exemple, il faut aller manger avec les gens et parler de nos familles. Mais j’ai quand même réussi à booker déjà cinq entreprises, ce que je n’aurais pas réussi à faire normalement… »

Offre gargantuesque

Comme 19 autres participants québécois, Lanterne digitale a profité d’une initiative d’Investissement Québec International, qui a loué deux « kiosques » pour héberger 20 exposants, chacun devant débourser 250 $. Deux autres entreprises, CS Canada et Six Metrix, ont choisi de louer à leurs frais leur propre espace virtuel. Essentiellement, ces entreprises profitent d’une vitrine permettant à des clients ou à des fournisseurs potentiels de les trouver dans le répertoire, puis de demander et de mettre au calendrier des rencontres qui auront ensuite lieu sur Microsoft Teams.

La plateforme du CES propose en outre un horaire de conférences et d’annonces plutôt bien rempli, utilisé notamment par les grands fabricants comme Samsung, ASUS, LG et D-Link pour lancer de nouveaux produits. L’offre est gargantuesque, au point qu’il est pratiquement impossible de suivre toutes les publications. Comme pour un vrai stand, les participants s’engagent à assurer une présence en ligne continue et à répondre aux demandes des quelque 70 000 visiteurs enregistrés cette année.

« Depuis le début de la pandémie, on est sur ce modèle-là, c’est notre troisième ou quatrième conférence numérique, ce n’est plus une nouveauté, résume Amine Smires, directeur des nouveaux programmes et de l’innovation à CS Canada, spécialisée dans la conception de logiciels de sécurité. Ce n’est pas aussi efficace qu’être là en personne, mais c’est mieux que rien. »

« Nouvelle réalité »

Selon les données préliminaires, en date de lundi, les entreprises québécoises qui participent à la délégation d’Investissement Québec avaient tenu 120 rencontres d’affaires virtuelles. Les résultats concrets en matière de contrats obtenus ne seront pas connus avant plusieurs semaines, précise Marie-Ève Jean, vice-présidente exportation à Investissement Québec International. « C’est la nouvelle réalité depuis mars dernier pour développer des opportunités d’affaires. Cet automne, on a fait une trentaine d’activités virtuelles. Et j’ai l’impression que ça va rester, qu’il y aura dorénavant une composante virtuelle qui va préparer une rencontre en personne. »

Pour Frantz Saintellemy, président et chef de l’exploitation de LeddarTech, spécialisée en systèmes de détection pour automobiles, le CES virtuel est même plus efficace sur certains plans.

Quand tu te présentes au CES en personne, tu ne sais jamais sur qui tu vas tomber. Ça peut être de belles et de mauvaises surprises. Avec le répertoire électronique, tu sais exactement qui est disponible pour te répondre, à qui tu vas avoir affaire.

Frantz Saintellemy, président et chef de l’exploitation de LeddarTech

Il affirme également que l’obligation de se démarquer dans une plateforme virtuelle a rendu les exposants plus audacieux. « Les gens font plus d’efforts pour avoir un plus grand impact, les nouvelles sont plus punchées pour que ça sorte, que les journalistes et les gens en parlent. »

L’international à peu de frais

La formule permet en outre à de petites entreprises, qui n’auraient pas les moyens de se payer une mission commerciale en bonne et due forme, d’être techniquement présentes à un évènement d’envergure comme le CES, estime Marie-Ève Jean.

« Et on est là pour leur faciliter les choses, on appelle les grands joueurs et on les convainc d’accepter les rendez-vous avec les entreprises québécoises », précise-t-elle.

« Ce ne sont pas toutes les entreprises qui sont capables de se payer un voyage en Allemagne pour aller se chercher des contrats, renchérit Pierre-Sébastien Gauthier, de Lanterne digitale. Faire du développement d’affaires à l’international coûte cher. »

Quelques exposants québécois

Automobile

Addénergie est derrière « le plus vaste réseau de recharge de véhicules électriques au Canada ». CS Canada fait la promotion de ses services d’analyse des logiciels de sécurité utilisés notamment dans l’industrie automobile, pour s’assurer du respect de la norme ISO 26262. LeddarTech, une des plus grosses entreprises de la délégation québécoise avec ses 215 employés, est spécialisée dans la détection et la cartographie de l’environnement pour les fonctions d’aide à la conduite.

Intelligence artificielle

Bien que la quasi-totalité des exposants québécois au CES utilise l’intelligence artificielle dans la conception de leurs produits, certains en ont fait leur marque de commerce. C’est notamment le cas d’Immervision et de sa plateforme de reconnaissance visuelle avancée, qui a conçu un « œil surhumain » avec grand-angle de 125 degrés et correction des distorsions. Deeplite a conçu des outils pour rendre les réseaux de neurones, au cœur de l’apprentissage profond, plus efficaces pour leur utilisation avec des caméras, des téléphones et des véhicules.

Divertissement

L’entreprise longueuilloise D-Box propose depuis 2009 son fauteuil haptique réagissant à l’action de quelque 2000 films, de 200 simulateurs de course et d’une demi-douzaine de jeux vidéo. Lanterne digitale, qui a hérité de la présentation vidéo de la délégation québécoise, est une entreprise spécialisée dans la conception visuelle en 3D. Les studios MELS, la plus importante entreprise canadienne de services liés au cinéma et à la télévision, fait également partie du groupe.

Domotique

Motsai, une firme de Saint-Bruno-de-Montarville, se spécialise dans les « collecte, fusion et analyse » des données fournies par des capteurs, notamment résidentiels, explique sa responsable, Young-hye Joung. MuxLab propose des installations combinant internet, filaire, caméras et différentes interfaces pour les maisons connectées. OVA transforme les modèles 3D pour les rendre en réalité virtuelle ou mixte. Enfin, l’appareil proposé par Bluewake n’est pas tout à fait domotique, mais digne de mention : il module la lumière pour assurer la vigilance des travailleurs de nuit.