(San Francisco) À quinze jours de son départ prévu de la Maison-Blanche, Donald Trump poursuit sa croisade contre les applications mobiles chinoises, qu’il considère comme des menaces pour la « sécurité nationale », sans réelle perspective de réussir à les bannir des États-Unis.

Le président américain sortant a signé mardi un décret visant à interdire d’ici 45 jours toute transaction avec huit services de paiement et applications chinois, dont Alipay (Ant Group) et WeChat Pay (Tencent).

Le chef d’État qui a essayé tout l’été, en vain, de prohiber le très populaire réseau social TikTok (qui appartient au groupe chinois Bytedance), accuse ces logiciels de récolter des données confidentielles et de servir à Pékin à faire de l’espionnage.

Seront interdites, après le délai, « toutes les transactions par toute personne […] dépendant de la juridiction des États-Unis, avec les personnes qui produisent ou contrôlent les applications connectées chinoises suivantes […] : Alipay, CamScanner, QQ Wallet, SHAREit, Tencent QQ, VMate, WeChat Pay, et WPS Office », indique le décret.

La décision doit entrer en vigueur après que le milliardaire républicain aura été remplacé par Joe Biden le 20 janvier.

Interrogée à ce sujet, une porte-parole de la diplomatie chinoise, Hua Chunying, a fustigé mercredi « l’intimidation » et le « comportement hégémonique des États-Unis ».

« Ils abusent du pouvoir d’État et s’en prennent de façon déraisonnable aux entreprises étrangères », a estimé la porte-parole.

Un haut responsable du gouvernement américain a précisé que l’entrée en vigueur du décret n’avait pas été évoquée avec « le potentiel gouvernement à venir de Joe Biden ».

« Ces applications ont été choisies en raison des risques », a-t-il détaillé lors d’une conférence de presse téléphonique. « Elles sont utilisées par un nombre extrêmement élevé d’utilisateurs et se trouvent sur des dizaines de millions d’appareils, il y a donc une récolte massive d’informations et de données qui vont au gouvernement chinois et dans des algorithmes ».

Les États-Unis sont engagés dans une guerre commerciale intense avec la Chine.

« Nous essayons de prévenir le monde et de prendre des mesures pour empêcher la Chine de récolter des tonnes de données-des photos, des textos, des appels à sa famille - et de s’en servir dans ses outils massifs d’oppression mondiale », a insisté le haut responsable, citant les Ouïghours et les habitants de Hong Kong parmi les populations opprimées.

« Arbitraire »

Donald Trump a signé cet été des décrets similaires contre TikTok et WeChat (qui appartient à Tencent), mais les recours en justice ont empêché leur entrée en vigueur et les procédures d’appel du gouvernement n’ont pas abouti à ce stade.

Le camp du président fonde ses attaques sur la loi chinoise, qui impose aux entreprises du pays de partager leurs données si Pékin leur demande.

« Le gouvernement chinois impose à toutes les sociétés, petites et grandes, de soutenir les objectifs du Parti communiste chinois », a souligné le conseiller présidentiel à la sécurité nationale, Robert O’Brien, dans un communiqué.

TikTok n’a cessé de répéter que les informations récoltées, stockées sur des serveurs à Singapour et aux États-Unis, n’étaient en aucun cas partagées avec l’administration chinoise.

La disparition de l’appli sur le sol américain, voulue par Donald Trump, a aussi été rejetée par le juge Carl Nichols en Pennsylvanie.

Selon lui, les avocats de TikTok ont démontré que le ministère du Commerce avait outrepassé son autorité et « agi d’une façon arbitraire et capricieuse en ne considérant pas les alternatives évidentes » à l’interdiction.

Selon le décret, il est « clair » que la Chine cherche à atteindre ses objectifs en termes d’économie et de sécurité nationale grâce au vol de données.  

Le président demande au secrétaire au Commerce Wilbur Ross de déterminer si d’autres applications représentent aussi un danger et appelle le ministre, le procureur général et le directeur des services de renseignements à faire des recommandations pour empêcher les transferts de données américaines à des adversaires étrangers.

Le texte ne précise pas quels types de transactions pourraient être interdites, ni si les utilisateurs pourront continuer à se servir des applications concernées en cas d’hypothétique entrée en vigueur.

Tencent et Ant Group n’ont pas réagi dans l’immédiat aux sollicitations de l’AFP.