Le géant canadien des télécoms Rogers veut « contribuer à faire passer le secteur technologique québécois au niveau supérieur » en tentant d’acheter son concurrent québécois Cogeco.

« Le Québec est très nettement axé sur l’innovation et la technologie. Cet investissement [de Rogers pour acheter Cogeco] nous permettra aussi de contribuer à faire passer le secteur technologique québécois au niveau supérieur, tout en créant davantage d’emplois bien rémunérés dans la province », a dit Édith Cloutier, présidente de Rogers au Québec, mardi matin lors d’une conférence de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Au début du mois de septembre, la société torontoise Rogers et Altice USA, une entreprise américaine, ont déposé une offre d’achat hostile de 10,3 milliards pour Cogeco et ses filiales, qui valent environ 6,3 milliards CAN en Bourse. Cette offre a été rejetée par la famille Audet, actionnaire de contrôle de Cogeco. La famille Audet, qui a fondé Cogeco à Trois-Rivières en 1957, a clairement indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de vendre.

Malgré ce refus, Rogers et Altice USA sont toujours intéressés à acheter Cogeco, dont le siège social est situé à Montréal.

Selon leur offre, Rogers aurait conservé les activités de télécoms et de radio de Cogeco au Canada (Québec et Ontario), tandis que Altice USA aurait mis la main sur la filiale américaine de Cogeco, Atlantic Broadband. Rogers détient environ 30 % des actions de Cogeco depuis plusieurs années.

L’offre d’achat hostile de Rogers a été très mal accueillie par le gouvernement du Québec, qui veut que Cogeco reste une entreprise à propriété québécoise avec un siège social au Québec.

Rogers estime au contraire être le meilleur propriétaire pour Cogeco. L’arrivée de la technologie 5G demande des investissements importants dans les réseaux sans-fil, et Rogers soutient être mieux placée que Cogeco pour réaliser ses investissements puisque l’entreprise torontoise, un membre du « Big 3 » des télécoms qui vaut 26 milliards à la Bourse de Toronto, déploie déjà son réseau 5G ailleurs au pays.

« Cette offre [d’achat de Cogeco] concerne en fait l’avenir des télécommunications au Québec et dans certaines parties de l’Ontario également, dit Édith Cloutier, présidente de Rogers au Québec. Les télécommunications sont une activité qui nécessite une forte intensité de capital. Il faudra des milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures au cours des dix prochaines années pour fournir aux Québécois une connectivité et des services de classe mondiale. À un moment où la reprise économique et la connectivité sont plus importantes que jamais, Rogers veut être un partenaire du Québec dans son ambition de construire une infrastructure de communication novatrice, en particulier dans les régions du Québec. »

Cogeco, qui n’opère pas actuellement de réseau téléphonique sans-fil, aimerait se lancer dans ce secteur d’activités si Ottawa assouplit les règles de l’industrie des télécoms pour favoriser l’arrivée de nouveaux joueurs régionaux. Cogeco demande notamment au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de forcer le Big 3 à louer leur réseau sans-fil à leurs concurrents (ils ne sont pas obligés de le faire actuellement). Le CRTC doit bientôt rendre une décision à ce sujet. Le plan « hybride » de Cogeco : développer son propre réseau sans-fil dans certaines régions du Québec, et louer les réseaux existants de ses concurrents dans d’autres régions.

Ce n’est pas la première fois que Rogers tente de faire une percée importante au Québec. En 2000, Rogers avait soumis une offre de 5,6 milliards pour acheter le câblodistributeur Vidéotron, propriété de la famille Chagnon. L’offre avait été acceptée par la famille Chagnon. Sauf que le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt et placement du Québec ne voulaient pas voir un siège social aussi important quitter le Québec et ont soumis une offre supérieure avec Québecor. Québecor et la Caisse ont ainsi acheté Vidéotron pour 5,9 milliards. Depuis, Québecor a racheté la participation de la Caisse et est l’unique actionnaire de Vidéotron.