Conçues pour soutenir de fortes périodes de pointe en soirée avec la vidéo sur demande, les connexions internet à domicile seront mises à rude épreuve au cours des prochaines semaines, avec des dizaines de milliers de personnes poussées au télétravail pendant le jour, en même temps que des hordes d’enfants en pause scolaire forcée.

« Il n’est pas impossible qu’on ressente des diminutions de service, mais si les réseaux sont fortement surdimensionnés, tout pourrait bien marcher », indique Brunilde Sansò, ingénieure spécialisée dans les réseaux de télécommunication à Polytechnique Montréal.

« C’est une première, on entre en territoire inconnu, affirme pour sa part Jean-Philippe Béïque, PDG du fournisseur d’accès internet EBox. Ça se peut qu’on se fasse prendre de court, surtout s’il y a énormément de demande pour la vidéo, mais on a amplement de capacité pour réagir. »

Un des concepts primordiaux pour « dimensionner » un réseau est de connaître la nature de son trafic, explique Mme Sansò.

Quand vous dimensionnez un réseau pour un type et une quantité de trafic donnée et que vous y mettez quelque chose d’autre, la performance peut être bonne ou mauvaise tout dépendant de comment vous avez conçu votre allocation de ressources.

Brunilde Sansò, ingénieure spécialisée dans les réseaux de télécommunication à Polytechnique Montréal

Les réseaux qui desservent le secteur résidentiel ont été optimisés ces dernières années pour permettre la vidéo sur demande. « On pourrait s’attendre à ce que du trafic de télétravail standard, dont des courriels, du téléchargement, puisse passer sans problème », explique la spécialiste. Mais avec la fermeture de toutes les écoles et garderies décrétée par le gouvernement, « on parle d’une augmentation probable du trafic de divertissement [vidéo, jeux] et des communications en temps réel [Skype, Webec, Facetime, Google Hangouts] », le tout simultanément.

Pas de problème face à la demande

Vidéotron assure qu’elle n’a aucun problème à faire face à la demande. Le câblodistributeur a d’ailleurs annoncé vendredi la suspension des limites de téléchargement de tous ses forfaits jusqu’au 31 mars pour aider à faire face à la crise. 

Même son de cloche du PDG d’Ebox : « Nous sommes actuelllement en dessous de 50 % de notre capacité nominale », assure M. Béïque, dont le service dépend des lignes des grands fournisseurs comme Vidéotron, Bell, Telus et Rogers. Si la capacité totale devait être dépassée, des mesures seraient rapidement prises pour ralentir et limiter l’usage de certains consommateurs plus gourmands. 

Bell dit pour sa part « déployer tous les efforts afin de garantir un accès continu aux réseaux et aux services de communication pour les consommateurs, les entreprises et les gouvernements ».

Rogers a également annoncé vendredi la suspension temporaire des limites de téléchargement de ses différents forfaits internet.

Inquiétudes pour les logiciels de télétravail

La professeure Sansò se dit pour sa part plus préoccupée par les capacités des logiciels de télétravail et des outils collaboratifs de faire soudainement face à une demande fortement accrue. « La capacité des serveurs, l’endroit où ils sont placés et la façon dont ils ont été dimensionnés sont aussi importants », explique-t-elle. 

« Il est possible qu’on se voie limités par les logiciels plus que par la capacité allouée [par la bande passante] », prévient la spécialiste.