(Davos) Au-delà de Huawei - géant chinois des télécoms banni par Washington -, la bataille technologique entre la Chine et les États-Unis se déploie sur de multiples fronts, des semi-conducteurs aux outils spécialisés dans l’intelligence artificielle.

Huawei et la 5G

Numéro deux sur le marché des téléphones, Huawei a également massivement investi dans les technologies mobiles de nouvelle génération (5G, internet mobile ultra-rapide), pour s’imposer face à ses rivaux suédois Ericsson, finlandais Nokia et sud-coréen Samsung.

Mais les services de renseignement américains redoutent de voir les équipements Huawei utilisés par Pékin à des fins d’espionnage, ce qui a amené Washington à le bannir des États-Unis tout en interdisant aux groupes américains de commercer avec lui.

Si l’Australie ou le Japon ont emboîté le pas, les pays européens, encore hésitants à l’heure de choisir les constructeurs des futurs réseaux 5G, apparaissent très divisés. Et la plupart des grands marchés émergents, Brésil et Inde en tête, ouvrent leurs bras au groupe chinois.

Semi-conducteurs

Des composants cruciaux pour les ordinateurs, téléphones, produits électroniques.

Courant 2018, la Chine importait 80 % des puces dont elle avait besoin, essentiellement en provenance des États-Unis, où Intel, Qualcomm et Micron dominent le marché. Au total, en 2018, les importations chinoises de semi-conducteurs représentaient 312 milliards de dollars, soit bien davantage que ses achats de pétrole.

La dépendance chinoise avait été mise en évidence en 2018 avec les déboires du géant des télécoms ZTE, privé un temps de puces américaines. Le géant asiatique cherche par tous les moyens à réduire sa dépendance en développant ses propres technologies, un processus complexe, onéreux et qui prendra selon les experts de longues années.

En octobre, Pékin a formellement lancé un fonds national d’investissement piloté par l’État, d’environ 29 milliards de dollars, pour soutenir l’industrie du semi-conducteur (laboratoires, usines…), à la suite d’un premier fonds similaire déjà doté de quelque 20 milliards.  

Le groupe étatique, Tsinghua Unigroup, a déjà investi plusieurs dizaines de milliards de dollars dans des usines géantes de fabrication de puces, tout en recrutant d’anciens dirigeants de Micron et du taïwanais United Microelectronics. Et les géants chinois Huawei et Alibaba ont dévoilé leurs propres puces maison.

Washington s’était opposé en 2017, au nom de la « sécurité nationale », à l’achat du fabricant américain de semi-conducteurs Lattice par un fonds adossé à une firme étatique chinoise.

Intelligence artificielle

En 2017, le ministère chinois des Sciences et Technologies avait officiellement assigné aux géants nationaux de l’internet Baidu, Alibaba et Tencent, ainsi qu’au spécialiste de la reconnaissance vocale iFlytek, la tâche de muscler leurs technologies d’intelligence artificielle (IA) via des « plateformes ouvertes » -pour la conduite autonome ou la médecine par exemple.

De son côté, l’administration Trump a fait du développement de l’IA une priorité stratégique.

Or, certains outils logiciel spécialisés dans l’apprentissage automatique des machines rendent accessibles aux développeurs d’applications grand public des algorithmes très complexes, permettant aux informaticiens débutants de créer leurs premières expérimentations et aux experts d’utiliser des techniques plus pointues.

Le plus connu de ces outils est sans conteste « Tensorflow », développé par Google, « ouvert » aux réutilisations en 2015 … et utilisé en Chine, notamment par des entreprises comme Tencent ou Meituan-Dianping.

Mais les géants du numérique chinois développent leurs propres solutions, notamment en recrutant des talents occidentaux. Baidu a ainsi lancé en 2016 l’outil concurrent « PaddlePaddle » -mais celui-ci reste « très peu utilisé aujourd’hui » selon un expert du secteur.

Objets connectés

Les américains Google, Apple et Amazon ont annoncé fin 2019 intégrer un consortium de fabricants de produits électroniques visant à élaborer un protocole commun, ouvert et gratuit permettant de rendre compatibles les objets connectés de marques différentes.

Dans les faits, les géants du numérique se sont souvent démarqués en proposant et contrôlant des écosystèmes fermés à leurs concurrents.

Et d’autres partenariats émergent, entraînés notamment par le groupe chinois Tuya, dont la plateforme pour les objets connectés a séduit les français Archos, Konyks ou Leroy Merlin.

De son côté, Huawei entend promouvoir son propre protocole d’échange HiLink. « Il y a une double fracture dans le monde de la technologie. Entre la Chine et les États-Unis d’une part, mais également entre les grandes entreprises chinoises Alibaba, Tencent et Baidu qui créent des écosystèmes très séparés les uns des autres », indique à l’AFP Edouard de Mezerac, directeur Asie de la société de conseil en IA Artefact.

Code source

Github, une plateforme collaborative américaine spécialisée dans l’hébergement des codes sources des logiciels-et rachetée 7,5 milliards de dollars par Microsoft en 2018-, avait été brièvement bloquée par le passé en Chine.

Mais, forte de 1,7 million de développeurs informatiques en 2019 selon le cabinet Evans Data, la Chine est désormais le deuxième pays le plus actif, après les États-Unis, sur les projets libres de Github.

Les projets dont la documentation est intégralement rédigée en mandarin apparaissent de plus en plus fréquemment parmi les logiciels les plus populaires… au risque d’être inaccessibles au reste du monde - une autre barrière.