Avec quatre opus d’Assassin’s Creed derrière la cravate, le producteur chez Ubisoft Julien Laferrière se prépare avec « fébrilité » au lancement de Valhalla, qui sortira le 10 novembre prochain. Terminé en télétravail avec près d’un millier d’artisans, exploitant des mécaniques inédites, il est attendu avec impatience par des millions d’inconditionnels de la franchise dans le monde. Entrevue.

PHOTO MAXIME PROULX, FOURNIE PAR UBISOFT

Julien Laferrière, producteur chez Ubisoft Montréal chargé depuis 2017 du nouvel opus de la franchise Assassin’s Creed, Valhalla.

D’où est venue l’idée qu’Assassin’s Creed se déroulerait cette fois dans un univers viking ? Est-ce que ce « flash » est apparu à un moment précis, associé à une personne en particulier ?

En fait, les Vikings, c’est arrivé très rapidement dans le processus. C’est le même noyau d’équipe qui a travaillé sur Origins [un épisode précédent d’Assassin’s Creed, sorti en 2017]. Avec la fondation qu’on avait mise en place, on s’est dit qu’on avait tous les bons ingrédients et les fondations pour faire un jeu de Vikings. On savait que les fans voulaient qu’on fasse un Assassin’s Creed dans cette période. Et il faut savoir que c’est une période historique qui n’est pas très documentée. Pour nous, ça laisse quand même de la place à l’imagination.

C’est le 12e opus principal d’Assassin’s Creed. Le concept de base est connu, des combats, le personnage qui grimpe et saute, les approches furtives. On a pu lire et voir que vous avez amené une nouvelle mécanique qui n’existait pas, des traités, des négociations. Quelle est cette nouvelle approche ?

Il s’agit de la colonie viking au milieu de l’Angleterre. On voulait donner un goût de la maison au joueur, qui est un Viking, au cœur de l’Angleterre. Chaque fois que tu pars dans une aventure, tu commences et reviens dans le village pour y ramener les ressources amassées, améliorer ton village. Mais aussi, ton but en Angleterre est de voir ce clan-là prospérer. Tu commences avec tes lieutenants autour d’une carte, une table de guerre où on te présente des alliances potentielles sur les territoires avoisinants. Tu choisis de te lancer dans cette recherche d’alliances, chacune est différente, ça peut être une conquête militaire, un mariage, chaque aventure a sa saveur, comme une série télé. Cette façon de faire vient vraiment changer l’expérience de jeu.

C’est une grosse commande, faire le prochain Assassin’s Creed, 155 millions de jeux vendus depuis 2007. Est-ce que ton équipe et toi sentez une pression particulière ? Est-ce stimulant ou paralysant ? L’action d’Ubisoft a chuté en 2016 sur la simple rumeur qu’il n’y aurait pas de nouvel épisode…

C’est mon cinquième Assassin’s Creed et il y a plusieurs personnes dans la franchise qui sont des vétérans. C’est notre réalité de trois dernières années. Notre concentration, c’est sur l’accueil des fans, comment notre jeu va être reçu par la critique, mais surtout par la communauté. Pour nous, c’est plutôt la fébrilité d’un créateur qui s’apprête à monter sur scène une première fois. Même après cinq Assassin’s Creed, j’ai encore ce mélange de trac et d’excitation avant le 10 novembre.

Vous avez terminé le jeu en télétravail. Deux jeux d’Ubisoft ont été reportés récemment, Far Cry 6 et Rainbow Six Quarantine, à cause des « défis » de cette façon de faire. Vous n’avez pas eu ces problèmes ?

En fait, on est en télétravail depuis la mi-mars. Il y a deux raisons principales qui expliquent qu’on n’ait pas reporté le lancement. On était quand même assez bien avancés, et on était dans une phase où le travail à faire est très documenté, très précis. Je ne veux pas simplifier à outrance, mais les listes de tâches des gens sont très connues. On était quand même assez bien préparés.

On parle de combien de personnes sur ce projet depuis trois ans ?

On est 16 studios à travers le monde, Montréal est le chef d’orchestre. On doit être au-dessus de 1000 personnes, 550 seulement à Montréal. Ça aussi, c’est une des explications. Gérer 16 studios dans le monde, t’es déjà d’une certaine façon en télétravail. Assassin’s Creed, on est habitué à le travailler en codéveloppement. C’est sûr que ç’a joué.

Sur les cinq opus sur lesquels tu as travaillé, as-tu un chouchou ?

[Rires] C’est sûr que le dernier a quelque chose de particulier, c’est le premier où j’agis en tant que producteur en chef. J’ai vraiment supervisé l’ensemble de la production, ça ne peut pas être plus mon bébé ! Je ne veux pas répondre de façon cucul, mais honnêtement, je garde des souvenirs particuliers de chacun. De mon premier, Assassin’s Creed II, qui était magique, Brotherhood, tout de suite après où on a livré contre toute attente un super bon jeu en un an, AC III, très ambitieux pour l’époque, Origins, qui a quelque chose de spécial. Et Valhalla, où je ne peux être plus impliqué. Je suis super fier de ce jeu. On a réussi à garder le cap, ça ne peut pas être plus viking que ça, pour moi c’est mission accomplie. Ce qui me rend encore plus fier, c’est le travail acharné des équipes. 2020 a été tout un défi, l’équipe a fait preuve d’énormément de résilience.