(Montréal) L’élan international de boycottage contre Facebook, à qui l’on reproche de propager le racisme, la violence et la désinformation, trouve un certain écho au Québec, où quelques entreprises ont suspendu leurs achats de publicités auprès du réseau social.

À l’instar de leurs grandes sœurs canadiennes, la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins et la Banque Laurentienne n’effectueront pas de placement publicitaire sur Facebook et Instagram en juillet. Les deux banques ainsi que le groupe coopératif n’ont toutefois pas précisé, jeudi, l’ampleur des sommes en jeu. La Laurentienne s’est limitée à dire que les montants étaient « minimes ».

« Nous devons tous contribuer à mettre fin aux discours haineux ou discriminatoires, et c’est ce qui explique cette décision, a souligné le porte-parole de la Nationale, Claude Breton, dans un courriel. Nous ne cherchons pas à couper des coûts marketing sur les plateformes web. »

Plusieurs autres grandes entreprises québécoises contactées par La Presse canadienne jeudi n’avaient pas indiqué si elles achetaient de la publicité auprès de Facebook et ses autres plateformes comme Instagram.

Ailleurs au Canada, les cinq plus grandes banques — Scotia, Royale, CIBC, Montréal et TD — ainsi que des marques comme Lululemon et MEC ont déjà fait savoir qu’elles cesseraient temporairement de faire de la publicité sur Facebook. À l’échelle mondiale, le mouvement a rejoint plus de 500 organisations et multinationales comme Coca-Cola, Adidas, Ford et Unilever, qui réclament un contrôle plus strict des contenus racistes et haineux.

Le mouvement #StopHateForProfit a été déployé le 17 juin par divers groupes, dont l’Association nationale américaine pour l’avancement des Noirs (NAACP) et la « Anti-Defamation League » qui lutte contre l’antisémitisme et les discours haineux. Cette mobilisation s’inscrit en réaction à la prolifération de publications antisémites et anti-Noirs sur Facebook.

Mais après que plusieurs entreprises eurent retiré leurs publicités du réseau social, ce dernier a commencé à supprimer certaines publications de nature politique, jugées fausses ou trompeuses.

Moins de contenu

Du côté des sociétés d’État commerciales, la Société des alcools du Québec (SAQ) a indiqué avoir retiré son placement publicitaire chez le réseau social depuis le début de la pandémie de COVID-19. Une réflexion est en cours quant à la participation de la SAQ au mouvement actuel, a-t-elle fait savoir.

Hydro-Québec a précisé, par courriel, vouloir se limiter, pendant les « prochaines semaines », à des publications qui touchent « la sécurité du public ou qui informent nos clients en situation de pannes ». Chez Loto-Québec, on devrait se limiter aux messages entourant le jeu responsable, a précisé son porte-parole, Patrice Lavoie.

« Cette vision est celle que nous avons tout au long de l’année, alors que Loto-Québec privilégie largement et systématiquement les achats auprès des médias québécois, a-t-il écrit dans une déclaration. Les sommes investies en publicité sur Facebook sont faibles en comparaison. »

Efficace ?

En imitant les multinationales à l’origine du boycottage publicitaire visant Facebook, les entreprises établies en sol canadien veulent-elles simplement soigner leur image ou véritablement changer quelque chose ? À ce moment-ci, il est difficile de juger des intentions, selon Joé Martineau, professeure adjointe au département de management à HEC Montréal et spécialisée notamment dans les questions d’éthique organisationnelle.

« C’est un mouvement qui fait boule de neige, a-t-elle expliqué au cours d’un entretien téléphonique. Les compagnies ne veulent pas être les dernières à agir. En même temps, il y a des personnes authentiques qui s’identifient aux valeurs de cet élan qui a pris naissance aux États-Unis. »

Une pause d’un mois en matière de placement publicitaire ne viendra pas déboulonner le modèle d’affaires d’un géant comme Facebook, a estimé Mme Martineau. L’entreprise compte plus de 8 millions d’annonceurs actifs. La plupart de ceux-ci sont des compagnies de plus petites tailles qui misent grandement sur les réseaux sociaux pour accroître leur rayonnement.

Toutefois, la multiplication des reportages entourant la fronde des multinationales risque d’avoir une incidence sur l’image du réseau social, ce qui pourrait paver la voie à d’éventuels changements à plus long terme, croit la spécialiste.

« Facebook a une posture réactive, a dit Mme Martineau. Cela se joue au chapitre des relations publiques et c’est peut-être là que l’entreprise va plier. »

Les revenus publicitaires génèrent la quasi-totalité du chiffre d’affaires de 70,7 milliards US réalisé par Facebook au cours de l’exercice 2019.