Longtemps considérée comme un fournisseur incontournable en 5G au Canada, l’entreprise chinoise Huawei a subi une rebuffade de taille jeudi : le plus important fournisseur en télécommunications, Bell Canada, a annoncé avoir choisi son concurrent Nokia comme « premier fournisseur ». Explications en quatre points.

La prudence de Bell

L’annonce de Bell a été faite hier lors d’une conférence téléphonique sur les résultats de BCE. Le président et chef de la direction, Mirko Bibic, a précisé que Nokia, bien que prioritaire, ne serait pas le seul fournisseur pour son réseau 5G.

« Nous devons pouvoir travailler avec plusieurs équipementiers, aujourd’hui et à l’avenir. Aujourd’hui, cela inclut Nokia, cela inclut Huawei, cela inclut Ericsson, cela inclut Cisco. Il est toujours prudent d’avoir plusieurs sources d’équipements, et nous cherchons toujours cette flexibilité. »

Le partenariat de Bell avec Nokia en matière de 5G remonte à juillet 2016, alors qu’on avait annoncé un premier essai réussi de cette technologie à l’Innovation Centre de Mississauga, en banlieue de Toronto. Dans la dernière année, cependant, tout indiquait que Huawei était le choix privilégié de Bell et de Telus. Il y a trois semaines, dans une entrevue à l’agence Bloomberg, le PDG de Bell a notamment déclaré que l’équipement 5G de Huawei était « de premier ordre ».

Ce n’est qu’en 2021, peu après les prochaines enchères canadiennes sur les fréquences autour de 3,5 GHz, que Bell prévoit annoncer son premier « vrai » réseau 5G.

En attente de Telus

Le mois dernier, Rogers a annoncé avoir choisi l’entreprise suédoise Ericsson pour le déploiement de son réseau 5G dans quatre villes canadiennes. Au Québec, Vidéotron a décidé de confier son futur réseau 5G à Samsung.

L’entreprise n’a pas réagi hier à l’annonce de Bell, répondant aux questions de La Presse par un courriel assurant qu’elle continue « de faire évoluer [son] réseau afin d’offrir la meilleure expérience » à ses clients.

Bell et Telus ont reconnu l’an dernier qu’une portion significative de l’expansion de leur réseau de fibre optique, ainsi que de leur réseau 4G, avait été menée en partenariat avec Huawei.

Accusations d’espionnage

Depuis le début de l’année 2018, les États-Unis ont multiplié les appels au boycottage de l’entreprise chinoise, accusée d’être trop proche du Parti communiste. Ces appels ont culminé en mai dernier avec l’imposition d’une interdiction formelle sur le sol américain des équipements de réseau de Huawei, ainsi que de toute collaboration avec une entreprise américaine. Jusqu’à maintenant, l’Australie, le Japon, Taiwan et la Nouvelle-Zélande ont emboîté le pas. La Grande-Bretagne, par contre, a autorisé les équipements périphériques de Huawei la semaine dernière, lui interdisant cependant l’accès aux portions critiques du réseau.

Effet collatéral, Huawei s’est vu interdire l’accès aux versions d’Android développées par Google et à sa boutique d’applications. En août dernier, on a présenté ce qui pourrait remplacer Android, le système d’exploitation HarmonyOS.

Au Canada

Ottawa a confirmé mener depuis 2013 des « tests de sécurité » sur les équipements de l’entreprise chinoise. Le gouvernement Trudeau n’a toujours pas annoncé sa décision à l’égard de Huawei.

Bell et Telus ont plusieurs fois manifesté leur désaccord à l’égard de l’exclusion du fabricant chinois. Telus, en janvier 2019, a précisé lors de l’annonce de ses résultats financiers que le bannissement de Huawei lui coûterait cher et entraînerait des retards dans le déploiement de son réseau.

En réaction à ces accusations, Huawei a toujours nié fournir des informations très délicates au gouvernement chinois. Dans un courriel envoyé à La Presse, Huawei assure travailler « ouvertement et dans la transparence avec le gouvernement canadien, et a opéré pendant dix ans à la grandeur du pays sans un seul incident ou brèche de sécurité ».

Quelques chiffres

40 milliards : ce que pourrait rapporter le 5G à l’économie canadienne d’ici 2026, créant également 250 000 emplois, selon un rapport Accenture

108 : nombre d’opérateurs offrant la 5G dans le monde, selon Ookla

Les chefs de file (parts de marché en infrastructures en 2018, selon Dell’Oro)

Huawei : 31 %
Ericsson : 29 %
Nokia : 23 %
Samsung : 7 %
ZTE : 7 %

40 % : couverture mondiale prévue en 2024

3 milliards : investissements mondiaux prévus en 2021 pour les infrastructures 5G