(Londres) Le champagne, la maroquinerie et le roquefort bientôt deux fois plus cher aux États-Unis ? Washington a menacé de surtaxer des produits emblématiques en représailles à la taxe française sur le numérique, mais les présidents Trump et Macron ont assuré que ce différend pouvait être réglé par le dialogue.

« Nous avons un différend mineur » et « nous allons probablement pouvoir le surmonter », a déclaré Donald Trump lors d’une rencontre à Londres avec son homologue français, en marge d’un sommet de l’OTAN. « Je pense qu’avec le président Trump nous pouvons régler cette situation », a estimé Emmanuel Macron de son côté.

Le « différend mineur », ce sont en l’occurrence 2,4 milliards de dollars de produits français que les États-Unis ont menacé lundi de surtaxer à brève échéance. Parmi eux, des exportations emblématiques telles que des fromages, du vin pétillant, des cosmétiques, de la porcelaine, des sacs à main.

Washington estime être en droit d’imposer sur ces produits des tarifs douaniers additionnels pouvant aller jusqu’à 100 % si Paris ne renonce pas à sa taxe sur les entreprises du numérique, qui cible selon les États-Unis « injustement » les mastodontes américains, les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon).

L’imposition de tarifs douaniers punitifs sur les produits français - qui s’ajouteraient à d’autres surtaxes déjà décidées par les États-Unis en raison d’un contentieux autour de l’avionneur Airbus - ne pourra pas intervenir avant la mi-janvier, à l’issue d’une période de consultations.

Le ton conciliant des deux présidents contraste avec celui plus offensif des ministres des deux pays.

L’UE agira « d’une seule voix »

Les taxes sur le numérique, que ce soit celle appliquée en France ou celles annoncées en Italie et Autriche sont « antiaméricaines », a dit mardi le ministre américain du Commerce Wilbur Ross, sur CNBC.

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Emmanuel Macron et Donald Trump au sommet du G20 à Buenos Aires, le 30 novembre 2018.

« L’Europe n’a pas vraiment de champions hi-tech […]. Il y a beaucoup de jalousie », selon lui.

Le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire avait lui tempêté plus tôt contre une menace américaine « inacceptable » et fait savoir dès lundi que « jamais » la France ne renoncerait à sa taxe.

L’Union européenne, elle, « agira d’une seule voix » face à la dernière offensive américaine, a promis mardi un porte-parole de la Commission européenne.  

Les Européens, jusqu’ici incapables de trouver une solution commune sur la taxation du numérique, chercheront à engager « immédiatement des discussions avec les États-Unis sur la manière de résoudre cette question à l’amiable ».

La taxe française impose les géants du numérique à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé en France.

Ce dispositif doit rapporter à l’État français quelque 400 millions d’euros, une somme qui peut sembler dérisoire-Apple a par exemple annoncé il y a un peu plus d’un mois un bénéfice annuel de plus de 55 milliards de dollars. Mais cela n’empêche pas la taxe française de semer depuis le début la zizanie entre Paris et Washington.

AFP

Emmanuel Macron et Donald Trump avaient déjà promis d’aplanir leur différend lors du dernier G7, en donnant à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le mandat de négocier un vaste accord international sur la question épineuse de la fiscalité du numérique.

Les grands noms de la technologie se voient régulièrement reprocher de ne pas payer leur juste part d’impôt, grâce à des montages d’optimisation qui leur permettent de transférer leurs bénéfices vers des États à faible fiscalité.

« Elles sont à nous »

Après avoir soutenu la quête d’une solution internationale, l’administration Trump, plutôt connue pour critiquer les négociations multilatérales, quel que soit leur objet, aurait selon la France et la Commission européenne d’ores et déjà pris ses distances avec le projet mené par l’OCDE.

Le président américain a d’ailleurs exprimé clairement son objectif depuis Londres, avant sa rencontre avec M. Macron : ces entreprises (du numérique) « sont à nous, ce sont des entreprises américaines, je veux les taxer, ce n’est pas la France qui va les taxer », a-t-il dit.

L’administration Trump a également indiqué lundi qu’elle envisageait d’ouvrir une enquête à l’encontre de l’Autriche, de l’Italie et la Turquie pour déterminer si leurs taxes sur le numérique menacent les entreprises américaines.

L’Autriche a dit prendre « au sérieux » ces menaces et considérer cette mesure comme « le mauvais chemin à suivre ».

AFP

Bruno Le Maire