(San Francisco) Des entreprises américaines envisagent de racheter à Huawei certains brevets sur la technologie 5G, affirme à l’AFP Joy Tan, vice-présidente de Huawei chargée des affaires publiques.

Le fondateur du groupe, Ren Zhengfei, avait évoqué cette possibilité lors d’une entrevue au magazine The Economist en septembre, alors que le leader mondial des équipements 5G se retrouve au cœur des rivalités et tensions entre Pékin et Washington.

PHOTO STEFAN WERMUTH, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L’administration de Donald Trump a annoncé en mai vouloir interdire aux entreprises américaines de vendre des technologies au groupe chinois, qu’elle soupçonne d’espionnage potentiel au profit de Pékin.

Lundi, le régulateur américain des télécoms (FTC) a en outre proposé d’interdire aux opérateurs nationaux l’achat d’équipements de Huawei et ZTE avec de l’argent public, et de retirer tous ceux déjà installés par ces deux groupes afin de « protéger les réseaux de communication du pays ».  

Pendant ce temps, Huawei prend de l’avance dans l’internet 5G, dont le débit est 100 fois plus rapide que les réseaux 4G existants.

Les trois principaux opérateurs de téléphonie en Chine ont lancé vendredi la commercialisation dans 50 villes du pays de services 5G. Et Huawei a signé une soixantaine de contrats avec des opérateurs et livré 400 000 antennes 5G dans le monde pour déployer sa technologie.

Trois questions à Joy Tan.

Quelle est votre réaction à la proposition de l’autorité américaine des télécoms ?

Nous comprenons les inquiétudes de l’administration américaine mais les États-Unis n’ont jamais fourni de preuves que Huawei posait la moindre menace en matière de sécurité.  

Mais nous sommes dans les télécoms depuis plus de 30 ans, nous travaillons avec plus de 500 opérateurs sur la planète, nous connectons plus de 3 milliards de personnes, et nous n’avons jamais eu d’incident de cybersécurité majeur.

La dernière proposition de la FTC, qui cible des entreprises en fonction de leur pays d’origine, ne va pas rendre les réseaux américains plus sûrs. Cela va surtout affecter les opérateurs des zones rurales américaines, les endroits les moins bien desservis, et donc agrandir le fossé numérique et ralentir le développement économique.

Nos fournisseurs américains de composants, comme Intel, Qualcomm, Micron, etc., sont aussi touchés à court terme. Nous leur achetons pour 11 milliards de dollars de produits et services chaque année, cela représente environ 40-50 000 emplois… Nous espérons qu’ils ne sont pas en danger.

Comment se passe le déploiement de la 5G ?

Les utilisateurs bénéficient de vitesses beaucoup plus rapides et les opérateurs génèrent de nouveaux revenus. En Corée du Sud, 6 mois après le lancement, il y a déjà 3,5 millions de personnes qui se servent d’appareils 5 G. Les applications de réalité virtuelle et de réalité augmentée sont de plus en plus utilisées.  

Ces utilisateurs consomment en moyenne 1,3 Gigaoctets chacun par jour, contre 4 à 5 Gigaoctets par personne et par mois, d’ordinaire.

En Chine, la 5G est arrivée beaucoup plus vite que prévu. Nous continuons à expédier beaucoup d’antennes et nous commençons à voir apparaître des applications industrielles.  

Avec China Mobile (le plus grand opérateur au monde en termes d’abonnés, NDLR), nous avons lancé des camions 5G sans conducteur pour les compagnies minières en Mongolie. Ils sont plus rapides (35 km/h au lieu de 10 km/h), plus sûrs et ils permettent de réaliser des économies de l’ordre de 160 000 dollars par camion et par an.

Huawei avance très vite dans la 5G, nous estimons avoir accumulé une avance de 12-18 mois sur nos concurrents. Nos antennes 5G les plus récentes sont livrées sans aucun composant américain, donc nous ne dépendons plus des États-Unis pour les composants.  

Pourquoi ne pas vous passer des États-Unis ?

Si le gouvernement américain autorise les grands fournisseurs à nous livrer des composants, nous continuerons à en acheter, même si nous avons nos propres solutions et alternatives.

En termes de systèmes d’exploitation, nous avons lancé Harmony OS [alternative au système Android de Google, NDLR]. C’est un système léger, compact et puissant, nous l’utilisons pour les objets connectés, comme les montres, les écrans, les enceintes… tout l’écosystème Huawei.  

Nous voulons continuer à travailler avec Google, donc nous espérons qu’ils vont obtenir une licence temporaire du gouvernement américain pour pouvoir continuer à nous fournir, mais sinon nous installerons Harmony sur nos téléphones intelligents aussi.

Le principe de Huawei a toujours été d’innover en collaborant avec les meilleurs, or les États-Unis ont les meilleures innovations et entreprises.

Notre fondateur, Ren Zhengfei, a proposé de vendre des brevets de notre technologie 5G à des entreprises américaines, pour favoriser l’innovation et la compétition dans l’industrie. Cela permettrait aussi d’apaiser certaines inquiétudes du gouvernement américain.  

Certaines entreprises sont intéressées et sont en discussion avec Huawei.