Dans la course à l’intelligence artificielle, tous les coups sont permis. Or, les pays démocratiques sont désavantagés par rapport aux régimes autoritaires, a plaidé hier le président de la Brookings Institution, John R. Allen, à la Conférence de Montréal du Forum économique international des Amériques, devant des centaines de personnalités d’affaires.

M. Allen, ancien militaire américain, craint le retour d’un ordre mondial bipolaire, similaire à celui de la guerre froide, alors qu’on bifurque vers un système technologique dominé par des États autoritaires.

La mainmise de pays comme la Chine ou la Russie dans le domaine de l’intelligence artificielle et leur « autoritarisme numérique » inquiètent M. Allen, pour qui « plus un régime autoritaire dispose de contrôle et d’informations, plus il se renforce ».

L’intelligence artificielle, alimentée par un nombre considérable de données personnelles, permet une surveillance accrue des populations. Ainsi, la technologie se porte garante de la pérennité de l’autoritarisme dans certains pays, selon M. Allen, qui a été l’envoyé spécial de l’ancien président Obama à la coalition globale en Irak et en Syrie pour contrer le groupe armé État islamique.

« Nous devons décider, a-t-il déclaré, si nous voulons agir de façon multilatérale afin de contrer les effets de la montée technologique des régimes autoritaires. Nous devons protéger les droits de la personne, la démocratie et la liberté de la presse. » Selon M. Allen, la surveillance doit servir à la sécurité et ne peut se faire au détriment de la population. Dans un État autoritaire, ajoute-t-il, les données n’appartiennent pas aux individus, mais au gouvernement.

L’intelligence artificielle et son importance sur l’échiquier politique mondial sont indéniables. Hors de question pour certains pays d’être à la traîne. Les Émirats arabes unis disposent depuis 2017 d’un ministre de l’intelligence artificielle, le premier au monde. M. Allen souligne également le cas du Danemark, qui dispose d’un « ambassadeur de la tech » en poste à Silicon Valley. Ces exemples, affirme-t-il, sont des manifestations de ce qu’il appelle la « techplomatie ». La preuve à ses yeux que l’intelligence artificielle, domaine qui évolue à grande vitesse, influence la géopolitique.