Il a fallu quatre ans et les efforts des 36 artisans de son studio indépendant, Panache, pour que Patrice Désilets puisse lever le voile sur son nouveau jeu, Ancestors: The Humankind Odyssey. C’est officiellement chose faite depuis ce vendredi matin 9 h, alors que les journalistes et « streamers » qui ont pu l’essayer ces dernières semaines publient les premières critiques.

Pour le créateur de jeux vidéo montréalais, dont le nom est étroitement associé aux jeux Prince of Persia et, surtout, Assassin’s Creed, il s’agit d’une première œuvre depuis son congédiement d’Ubisoft, en 2013.

« J’ai ma signature, mon “brand”, je suis pris avec ça, a expliqué M. Desilets aux journalistes réunis à son studio, boulevard Saint-Laurent, la semaine dernière. Mais ce n’est pas Altaïr ou Ezio [deux personnages principaux d’Assassin’s Creed]. C’est différent de tout ce que vous aurez essayé. »

En entrevue, il précisera qu’il n’y avait pas une volonté explicite de s’éloigner d’Assassin’s Creed. « Ça n’a pas été créé en réaction à quoi que ce soit. J’ai quand même dix ans dans le corps de plus. »

« Expérience unique »

Rarement un jeu créé par un studio indépendant aura suscité autant d’attente. La bande-annonce disponible sur le site GameSpot a été vue 2,8 millions de fois. Il s’agit essentiellement d’un jeu de survie à la troisième personne retraçant l’évolution de la race humaine. Le joueur est lancé en Afrique il y a dix millions d’années et contrôle les premiers singes qu’il doit faire évoluer.

En comblant les trois besoins de base, la nourriture, l’eau et le sommeil, il apprend à communiquer, doit survivre dans un environnement hostile et apprendre de nouvelles techniques.

« Chaque joueur a une expérience unique », indique M. Désilets. À l’origine, le choix de la préhistoire était commode pour un petit studio comme Panache. « Pas besoin de villes, de foules… On s’est dit que ça allait être si facile. Et nous voilà quatre ans plus tard ! »

Aux journalistes qui ont pu essayer le jeu début avril, l’équipe de Panache a servi un avertissement : il s’agit encore d’une version inachevée, « entre alpha et béta », toujours en développement « avec des bogues ». La sortie officielle est prévue plus tard cette année, sans plus de précision.

Ambitieux… et déboussolant

Nous avons pu y jouer pendant une heure, ce qui est très peu pour juger de la valeur d’une proposition aussi ambitieuse. D’emblée, elle est très séduisante. Notre singe ne dispose que de très peu d’indications et doit repérer les bons aliments, trouver les sources d’eau et essayer tout ce qui lui tombe sous la main.

Son évolution, au fur et à mesure qu’il découvre son environnement, est symbolisée à l’écran par des connexions neuronales qui se font plus nombreuses. Belle trouvaille.

On peut notamment passer de la perspective d’un singe à l’autre au sein du clan, échanger des informations de plus en plus complexes et apprendre à utiliser des outils ou des armes trouvés dans la nature. Graphiquement, le rendu est impeccable et les mouvements de notre personnage fluides. La bande sonore est prenante et nous plonge réellement dans l’Afrique préhistorique où les dangers sont toujours au tournant. Les nombreux prédateurs qui nous guettent, félins, reptiles et autres aigles, sont magnifiques et sans pitié.

Nous avons cependant été complètement déboussolé par la mécanique de jeu. Dans la version testée, on manquait nettement d’indications, laissant notre personnage être tué, se brisant des os ou dépérir sans réellement comprendre ce qu’il fallait faire pour l’aider. Il est par exemple très difficile de distinguer les plantes comestibles de celles qui sont toxiques, et il faut parfois compter sur le son plus que sur les informations à l’écran pour se repérer. Ce bâton qu’on ramasse, à quoi va-t-il servir ? On l’ignore. Une carte circulaire à droite de l’écran indique les objectifs, mais reste fixe, peu importe l’orientation du personnage. Les commandes disponibles sont également complexes et nous ont semblé peu intuitives.

« Désintoxication » nécessaire

Il s’agit manifestement d’un jeu au potentiel gigantesque, mais qu’il faudra prendre le temps d’apprivoiser avant d’en maîtriser la mécanique. Une heure de test, en tout cas, n’y suffit pas. Et n’espérez pas que la version finale soit plus accessible : cette difficulté fait partie du concept, explique Patrice Désilets.

« Dans l’évolution, il n’y avait personne pour te guider. Pour Ancestors, il y a une période de désintoxication des jeux héroïques normaux où on te prend par la main. Je donne un bac à sable, c’est à toi, le joueur, de te raconter tes propres histoires. »