Le pape François a publié mardi ses recommandations aux jeunes, les mettant en garde contre un internet guidé par de «gigantesques intérêts économiques» et diffusant de «fausses nouvelles», abordant minimalement la place des femmes ou la sexualité.

Son «exhortation apostolique» en 299 paragraphes s'inspire des conclusions d'une réunion mondiale de 267 évêques (synode) consacrée aux jeunes en octobre.

Fruit de positions trop diverses entre prélats de tous les continents, elles avaient montré notamment la difficulté d'une position commune sur la morale sexuelle, et une convergence plus facile sur les pièges du numérique.

Abus sexuels dans l'Église

Le texte dévoilé mardi par le pape revient plutôt longuement sur les scandales d'abus sexuels qui minent l'Église, en demandant aux jeunes de faire de la prévention lorsqu'ils voient un prêtre «en train de perdre le cap» ou cherchant «des compensations affectives».  

«Encouragez-le à rester sur le bon chemin», intime François dans son texte intitulé Christus vivit, notant que les prêtres commettant les «horribles crimes» d'abus sexuels ne sont pas majoritaires.

Place des femmes

François aborde plus succinctement la place subalterne des femmes dans l'Église : il faut «prêter attention aux revendications légitimes des femmes qui demandent plus de justice et d'égalité».

«Certaines jeunes femmes estiment qu'elles ont besoin de plus d'exemples de leadership féminin au sein de l'Église», relève le pape.

Curieusement, le synode d'octobre était allé un peu plus loin en concluant : «Un domaine d'importance particulière est la présence féminine dans les organismes ecclésiastiques à tous les niveaux, également dans des postes de direction, ainsi que la participation des femmes aux processus décisionnels ecclésiastiques».

Homosexualité

Le  souverain pontife reconnaît que la morale sexuelle de l'Église est souvent mal comprise par les jeunes, alors que la sexualité a une «importance essentielle» dans leur vie.

L'orientation sexuelle des jeunes figure en filigrane, mais le pape tient à parler d'une Église engagée «contre toute discrimination et toute violence liées à l'orientation sexuelle».

Il rappelle que les jeunes veulent dialoguer sur «la différence entre l'identité masculine et féminine» et «l'homosexualité»

Le sigle LGBT était apparu pour la première fois de l'histoire du Vatican dans un document de travail du synode sur les jeunes. Cette mention avait disparu des conclusions, rejetée par les évêques africains et un prélat américain.

Internet et «Fake News»

Dans son exhortation, le pape énumère les risques du monde numérique, un espace de «solitude» et de «violence» qui peut néanmoins être source de créativité.  

«On ne devrait pas oublier que de gigantesques intérêts économiques opèrent dans le monde numérique. Ils sont capables de mettre en place des formes de contrôle aussi subtiles qu'envahissantes, créant des mécanismes de manipulation des consciences et des processus démocratiques», dénonce le pape.

Il critique des «circuits fermés» entre personnes pensant de la même manière, qui facilitent «la diffusion de fausses informations et de fausses nouvelles, fomentant les préjugés et la haine».  

«La prolifération des fake news est l'expression d'une culture qui a perdu le sens de la vérité» et porte atteinte à la réputation des personnes, souligne-t-il.

Le pape ponctue son texte d'expressions tirées des nouvelles technologies, en disant par exemple que la mémoire de Dieu «n'est pas un disque dur» et que Jésus «est en ligne».

Il met aussi les jeunes en garde contre «les idéologies de toutes les couleurs, qui détruisent (ou dé-construisent) tout ce qui est différent», méprisant au passage l'Histoire.

Église sclérosée

François sonne enfin la charge contre les plus conservateurs. Il faut «délivrer l'Église des personnes qui veulent la faire vieillir, la scléroser dans le passé, la figer», fustige-t-il.

Une pique à ceux qui jugent que François parle trop de sujets sociaux et pas assez de thèmes traditionnels comme la chasteté ou le mariage indissoluble.

Des jeunes interrogés avant le synode avaient dénoncé des «positions doctrinales et éthiques» déconnectées du monde contemporain. Ces jeunes ne veulent pas voir une Église «toujours en guerre sur deux ou trois thèmes qui l'obsèdent», explique Jorge Bergoglio.