Si un robot se trompe en distribuant les médicaments dans un hôpital, qui est responsable ? Comment s’assurer que le soi-disant psychologue qui offre ses services en ligne est un professionnel reconnu ? Peut-on utiliser Google pour traduire une notice pharmaceutique ?

Surtout, à quel point l’intelligence artificielle viendra-t-elle chambouler le travail des professionnels, ces architectes, avocats, dentistes, sexologues et urbanistes, entre autres, dont la pratique est rigoureusement encadrée ?

Ces questions illustrent le défi que représentent les nouvelles technologies pour les ordres professionnels, regroupés au sein du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ). L’organisme, qui représente les 46 ordres québécois et leurs 400 000 membres, a choisi ce thème pour son congrès, qui se tient aujourd’hui et demain à Montréal et pour lequel on attend un demi-millier de délégués.

« Ça fait déjà plusieurs années que ça se discute dans des comités : nous avons eu en 2016 un groupe de travail sur la télépratique, explique Gyslaine Desrosiers, présidente du CIQ. Beaucoup de questions, notamment sur l’éthique et la formation, ont émergé. On a beaucoup de questionnements, on n’a pas toutes les réponses. »

Automatisation et éthique

Son organisme a signé le 25 mars dernier la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle. Il s’est en outre joint à l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique (OIISIAN), initiative du gouvernement du Québec qui réunit 160 chercheurs.

La réflexion au congrès, très vaste, touchera à peu près tous les domaines de pratique des professionnels, de la formation à la protection du public. En santé, notamment, l’utilisation de nouvelles technologies a des impacts, par exemple, sur la confidentialité des données qui sont stockées en infonuagique. Les services à distance rendent encore plus difficile pour les ordres de débusquer ceux qui offrent des consultations sans répondre aux exigences réglementaires.

L’automatisation de certaines tâches, rendue possible par l’intelligence artificielle, amène un autre enjeu, celui de la valeur des décisions et des diagnostics posés par la machine. Et jusqu’à quel point est-il souhaitable que l’élaboration des algorithmes ne relève que des informaticiens ?

« Tous les domaines sont touchés et on ne sait pas très bien où ça s’en va, dit Mme Desrosiers. On veut que les ordres soient des organismes responsables et nous-mêmes, au CIQ, on veut un éclairage pour pouvoir prendre position quand il y aura des débats importants. »

La présidente se défend de vouloir d’abord protéger les emplois des professionnels qu’elle représente. « Je n’ai pas entendu parler de soucis en ce qui concerne les emplois qui pourraient être perdus : les technologies sont d’abord vues comme des façons de faciliter le travail », dit-elle.