Pour les professionnels qui font des affaires depuis quelques années seulement, la notion de relève peut sembler abstraite, voire sans importance. Certains refusent de penser à leur succession, trop occupés qu'ils sont à construire le présent. Pourtant, certains entrepreneurs dans la trentaine réfléchissent déjà à ce que pourrait devenir leur entreprise s'ils n'y étaient plus.

SIMON DE BAENE

30 ans, président de Gsoft

« Une entreprise en technologie ne se lègue pas facilement de parent à enfant, puisque ce n'est pas donné à tous de connaître le domaine.

« Vendre ou fusionner signifierait pour moi de disloquer l'entreprise ou de lui arracher ses bras et ses jambes. Cela la dénaturerait. J'ai rarement vu des acquisitions qui conservaient l'essence d'une organisation.

« Pour moi, l'avenue la plus noble et naturelle est de responsabiliser les gens à l'interne. Il faut trouver ses superstars, les employés qui sortent du lot et qui excellent avec un je-ne-sais-quoi de plus. Certains d'entre eux ont énormément d'ambition. On essaie de leur donner des défis à la hauteur de leur potentiel. Si je les laissais dans un coin, je passerais à côté de l'occasion d'avoir une organisation qui peut rouler sans moi.

« Ça me rassure de savoir que je suis entouré de gens comme ça, qui nous ressemblent et qui partagent nos valeurs. »

NADIA BOURGEOIS

31 ans, vice-présidente de Fabritec

« Mon frère Jonathan et moi, on s'est toujours dit que si l'un de nous deux mourait, l'autre prendrait la relève, comme on l'a fait quand notre père nous a cédé les rênes de l'entreprise. Les Américains souhaitent beaucoup faire des acquisitions dans notre secteur, mais on préfère garder ça dans la famille. C'est quelque chose d'émotif. Mon père a démarré l'entreprise de zéro. On a 350 employés aujourd'hui et nous serons 700 d'ici trois ans.

« Par contre, on se questionne depuis quelque temps pour savoir qui prendrait notre place s'il nous arrivait quelque chose aux deux. On n'est pas dans un processus de planification de relève, car notre retraite ne viendra pas avant au moins 20 ans, mais on veut assurer la pérennité de l'entreprise. Comme on est en pleine croissance, on revoit notre structure. On s'entoure de gens plus forts que nous dans certains domaines. À travers ce recrutement, on réfléchit à qui pourrait prendre le poste de président. »

PHOTO FOURNIE PAR FABRITEC

Nadia Bourgeois, 31 ans, est vice-présidente de Fabritec.

FÉLIX MARZELL

35 ans, confondateur de Dix au carré

« Comme notre entreprise n'a que trois ans, je ne me questionne pas à propos de la relève tous les matins en me réveillant. On est tellement dans le feu de l'action qu'on n'y songe pas suffisamment. Mais je réalise que l'entreprise repose sur mes épaules et celles de mon partenaire, et que si quelque chose nous arrivait, elle planterait probablement. Notre but est donc d'assurer la relève en faisant croître notre entreprise.

« Étant donné qu'on travaille dans le domaine de la conception du divertissement, on essaie de transmettre notre énergie aux membres de notre équipe. On s'assure qu'ils comprennent bien la saveur de l'entreprise, notre style, notre direction artistique et notre manière de concevoir. L'idée est de s'entourer de gestionnaires compétents pour grandir efficacement et de faire partager nos trucs pour ne pas dénaturer Dix au Carré. Comme si on dupliquait notre cellule créatrice en plusieurs autres dans l'entreprise. »

PHOTO FOURNIE PAR DIX AU CARRÉ

Félix Marzell, 35 ans, est cofondateur de Dix au Carré.

MARC-ANTOINE ROSS

36 ans, cofondateur de Passwordbox, récemment acquise par Intel

« Je raconte souvent que nos 15 premiers employés ont fait l'équivalent d'un MBA avec nous. Ils ont vécu tous les stades d'une start-up jusqu'à la transaction avec Intel. Au moins cinq d'entre eux ont eu un vif intérêt pour faire plus dans l'avenir. C'est important pour moi de faire comprendre aux jeunes qu'on peut créer beaucoup en partant seulement d'une idée. On est rendus 75 dans notre bureau et on a un réel impact économique sur Montréal.

« Depuis l'acquisition par Intel, nos responsabilités ont changé, mais je continue de penser à la relève. Comme je suis en congé de paternité pendant quatre mois, j'ai préparé mon équipe à vivre sans moi. Je me suis assuré qu'ils puissent prendre leurs décisions, qu'ils sachent quand faire valider leurs questionnements et quand prendre des risques. C'est difficile pour un gestionnaire de ne pas être constamment au-devant de son équipe, mais il faut savoir se détacher parfois et préparer ceux qui prendront la relève, un jour. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Marc-Antoine Ross, 36 ans, est co-fondateur de Passwordbox