Qu'ont en commun François-Pierre Chevalier, chez Bio-K, Stéphanie Morin, du centre de rénovation Patrick Morin, et Charles Pépin, de la boutique de vêtements Clément ? Ils reprennent tous l'entreprise familiale, ils réalisent qu'ils ont des défis à relever et ils se rencontrent une fois par mois avec d'autres de leurs semblables dans le cadre des activités du Groupe La Relève, en famille, en affaires.

Reprendre une entreprise est toujours un défi, mais la pression est particulièrement grande lorsqu'elle se retrouve dans les mains d'une plus jeune génération de la famille.

« Les souliers sont extrêmement grands à chausser, il faut que les employés puissent te faire confiance comme nouveau patron et, surtout, comme l'entreprise est familiale, c'est ton bébé et tu ne veux surtout pas être responsable d'une déroute », témoigne Chanel Alepin, avocate au cabinet fondé par ses parents, Alepin Gauthier Avocats.

Elle a mis sur pied le Groupe La Relève, en famille, en affaires, avec Edith Arsenault, vice-présidente de Landco Group, propriétaire notamment des boutiques Séduction et Romance, ainsi qu'avec Alexandre Raymond, associé dans l'entreprise fondée par son père, Raymond Recherche de cadres.

« J'ai été président de la Jeune Chambre de commerce de Montréal et je rencontrais beaucoup de jeunes qui, comme moi, vivaient des défis propres à la reprise d'une entreprise familiale, et je sentais que nous avions besoin de nous épauler, de nous outiller pour mieux réussir. »

- Alexandre Raymond, associé dans l'entreprise fondée par son père, Raymond Recherche de cadres

Des experts viennent donner des formations sur des sujets comme la fiducie familiale, le financement du rachat de l'entreprise, la fiscalité, etc. De plus, des conférenciers viennent raconter leur expérience personnelle. Les membres du groupe peuvent aussi exposer un problème qu'ils vivent et tous sont mis à contribution pour faire émerger des pistes de solution. D'ailleurs, tous doivent signer une entente de confidentialité pour se joindre au groupe.

D'après une enquête de La Fondation de l'entrepreneurship de 2010, plus de 200 000 dirigeants d'entreprises de 35 ans et plus désiraient céder leur entreprise d'ici à 2020 ou plus.

Le Groupe La Relève, en famille, en affaires a démarré avec 20 jeunes repreneurs qui ont d'ailleurs tous renouvelé leur inscription à la suite de la première année d'activités. L'initiative fait maintenant des petits dans la province, avec de nouveaux groupes fondés notamment dans la couronne nord et la Rive-Sud de Montréal, à Trois-Rivières et à Québec.

TROIS RÈGLES À SUIVRE

1- Bannir « papa » et « maman »

Lorsque Chanel parle de son père, elle dit François, lorsqu'elle parle de sa mère, elle dit Brigitte. Pour Edith Arseneault, c'est Claude, et Alexandre appelle son père Jean.

« Juste une fois au travail, j'ai appelé Jean "papa". Ça ne passe pas », raconte Alexandre en rigolant.

2- Commencer au bas de l'échelle

« On ne peut pas arriver dans l'entreprise familiale et commencer tout de suite à prendre des décisions, affirme Chanel. Moi, lorsque je suis arrivée au cabinet, j'étais avocate, mais je ramassais les pelures de banane de ma mère ! Il faut passer par toutes les étapes. »

Edith Arsenault a travaillé à temps partiel comme étudiante dans l'entreprise familiale. Elle a fait ses études en administration dans le but de prendre la relève, mais sans discuter de ses intentions avec sa famille. Lorsqu'elle a finalement affiché ses couleurs, elle a causé toute une surprise.

« Lorsque j'ai terminé l'université, j'ai commencé à travailler au siège social, mais j'avais déjà une bonne connaissance du travail sur le plancher », raconte-t-elle.

Le père d'Alexandre tenait même à ce qu'il fasse ses preuves ailleurs avant de se joindre à l'entreprise familiale.

« J'ai travaillé à l'international dans le domaine des ressources humaines et je suis arrivé dans l'entreprise de mon père il y a six ans, au bas de l'échelle, et je crois que mon père a d'ailleurs été plus sévère envers moi qu'avec d'autres ! »

2- Faire valoir sa vision

Prendre le temps d'apprivoiser l'entreprise familiale est une bonne chose, mais vient un moment où il faut aussi y ajouter sa touche personnelle. C'est ce que réalisent les trois fondateurs du Groupe La Relève, en famille, en affaires. Chacun est d'ailleurs allé de l'avant avec des projets majeurs dans l'entreprise.

Alors que la mère de Chanel, Brigitte Gauthier, a acquis une expertise en droit matrimonial et de la famille, son père, François Alepin, se spécialise dans le franchisage. Chanel est arrivée au cabinet avec une expertise en fiscalité.

« Avec mon frère et un autre avocat, on a commencé à faire du droit fiscal », dit-elle.

Edith Arsenault amène pour sa part l'entreprise à prendre le virage du commerce en ligne et des réseaux sociaux.

Puis, grâce à son expérience acquise à l'étranger, Alexandre Raymond est arrivé dans l'entreprise familiale avec le désir d'acquérir une expertise dans le secteur de la philanthropie.

« Aujourd'hui, précise-t-il, le placement dans le domaine représente environ le tiers de nos postes. »

photo fournie par François Alepin et Jean Raymond

François Alepin, cofondateur du cabinet d’avocats Alepin Gauthier, et Jean Raymond, fondateur de Raymond recherche de cadres, croqués sur le vif lors d’un voyage en Floride pendant qu’ils laissaient à leurs enfants la chance de faire leurs preuves au bureau, tout en continuant tout de même d’assurer une présence à distance.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Edith Arsenault, 32 ans, est cofondatrice du Groupe La Relève, en famille, en affaires. Vice-présidente de Landco Group, propriétaire notamment des boutiques Séduction et Romance, elle reprend avec son frère, Julien Arsenault, l’entreprise familiale présidée par Claude Perron.