Près de six propriétaires de PME québécoises sur dix sont mal informés et mal préparés pour le transfert de leur entreprise. Pis encore, les dirigeants sous-estiment l'ampleur de la tâche, indique un sondage CROP, mené pour le compte de Raymond Chabot Grant Thornton.

Ces éléments de réponse sont «très inquiétants», croit Stéphane Gendron, vice-président de CROP.

Le sondage «L'enjeu de la relève des PME au Québec» a été réalisé entre le 11 et le 25 octobre. Le coup de sonde a permis d'interroger 301 chefs d'entreprise (97 à Montréal et 204 en région).

Les PME d'un à quatre employés représentent 50% de l'échantillonnage. Celles de cinq à neuf employés, 20%. Les entreprises de 10 employés et plus accaparent les 30% résiduels. La marge d'erreur du sondage est de 5,6%.

Premier constat: 57% des entrepreneurs se sentent mal informés sur le processus et les modalités de transfert. «Les enjeux fiscaux, par exemple, ils ne les connaissent pas! , s'étonne Stéphane Gendron. Seulement 26% d'entre eux savent qu'il est plus avantageux, fiscalement parlant, de vendre à une tierce partie plutôt qu'à un membre de leur famille.»

Complexité

Autres chiffres révélateurs: 75% des répondants disent appréhender la complexité administrative et juridique liée au transfert de leur entreprise. Plus de 74% croient qu'ils auront de la difficulté à trouver les outils financiers. Et 58% affirment qu'ils auront des difficultés psychologiques à se séparer de leur entreprise. Enfin, 70% des entrepreneurs interrogés affirment être mal préparés face à la relève.

«Je crois qu'il y a un lien à faire avec les résultats du sondage et la façon dont les Québécois en général abordent la question de leur sécurité financière à long terme: c'est un sujet qu'ils évitent d'aborder, qu'ils préfèrent glisser sous le tapis. Trouver une relève dans le cadre d'un transfert ne fait donc clairement pas partie des priorités des entrepreneurs», explique M. Gendron.

Quant aux ressources vers lesquelles les entrepreneurs comptent d'emblée se tourner au moment de passer le flambeau, 57% disent que ce sera un comptable, 46% un fiscaliste et 25% un notaire.

«Le transfert doit déborder du cadre financier et légal. Le gouvernement devrait peut-être jouer un plus grand rôle. Un leadership doit être pris là-dessus. Ça devrait devenir un thème de société», soutient Stéphane Gendron.

Par ailleurs, 40% des dirigeants sondés croient qu'ils auront besoin de moins d'un an pour préparer le transfert de leur entreprise. «Selon les spécialistes, il faudrait plutôt y consacrer entre cinq et huit ans, dit M. Gendron. Les entrepreneurs sous-estiment la tâche. Ils la banalisent.»

Enjeu économique

L'équipe de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) retient, pour sa part, que le transfert d'entreprise sera un enjeu déterminant pour l'avenir économique du Québec. D'ailleurs, 94% des répondants au sondage jugent que l'absence de relève aura un impact sur la croissance de l'économie québécoise.

«Ça aura effectivement une incidence, car près de 70% des entrepreneurs qui vont se retirer freinent leurs projets d'investissements dans leur PME, explique Éric Dufour, leader national en transfert d'entreprise chez RCGT. On peut les comprendre; ils se sentent délaissés. À leurs yeux, il n'existe pas d'aide pour le transfert d'entreprise.»

Selon le spécialiste, un meilleur accompagnement permettrait d'injecter des millions dans l'économie de la Belle Province.

«On considère qu'il y a un important patrimoine financier qui dort actuellement, dit-il. Il faut créer de la richesse avec nos PME. S'il n'y a pas de plan de relève, rien ne va changer. Il faut donc réussir à conforter l'entrepreneur pour qu'il se sente libre, qu'il mette en circulation le patrimoine qu'il a mis une vie à construire.»

FAITS SAILLANTS DU SONDAGE

1. Diriez-vous que la relève en entreprise est un sujet important ou pas important?

Important: 94%

2. Êtes-vous confiant quant à l'avenir et à la pérennité de l'entreprise que vous dirigez?

Confiant: 78%

3. Êtes-vous au courant des actions prises par le gouvernement du Québec au cours des deux dernières années en matière de transfert d'entreprise?

Pas au courant: 82%

4. Diriez-vous que les PME sont bien préparées ou mal préparées pour répondre aux enjeux posés par la relève?

Mal préparées: 70%

5. À vos yeux, qui est avant tout responsable d'assurer la croissance économique et la compétitivité du Québec?

Le gouvernement du Québec: 38%

Chaque entrepreneur à son niveau: 37%

6. Vous sentez-vous bien informés ou mal informés sur les modalités de transfert d'entreprise?

Mal informés: 57%

7. Quelle principale raison pourrait vous pousser à transférer votre entreprise?

Départ à la retraite: 63%

Assurer la viabilité économique de l'entreprise: 6%

8. Si vous deviez céder votre entreprise, à qui souhaiteriez-vous la céder en priorité?

À un membre de la famille: 43%

À un salarié de l'entreprise: 22%

9. Si vous souhaitiez vendre votre entreprise à l'un de vos enfants...

Vous le feriez même si cela impliquait de payer davantage d'impôts sur la transaction: 47%