La vague de transferts d’entreprise se poursuit au Québec. De 30 000 à 40 000 propriétaires souhaitent vendre leur entreprise dans un horizon de trois à cinq ans, mais la plupart y sont mal préparés. État des lieux en cinq points.

Sentiment d’urgence

Le Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ) estime que le sentiment d’urgence des propriétaires d’entreprise est plus fort qu’auparavant. « Nos conseillers sont de plus en plus sollicités. Nos partenaires, que ce soit la Banque Nationale, Desjardins ou Raymond Chabot Grant Thornton, sont aussi extrêmement occupés dans les dossiers de transfert », souligne le président-directeur général Vincent Lecorne.

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Vincent Lecorne, PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec

« Si on compare le nombre de départs à la retraite attendus et ce qu’on voit sur le terrain, on constate une augmentation du nombre d’entrepreneurs qui souhaitent vraiment partir. Et je crois que ce n’est que le début de cette accélération », ajoute-t-il.

Mauvaise préparation

La retraite trône en tête des raisons motivant la vente d’une entreprise. Pourtant, les entrepreneurs se préparent mal à cette étape. « Selon nos études, les gens sous-estiment la complexité de cette vente. Seulement 49 % ont mis de l’ordre dans leurs états financiers, tandis que 37 % maximisent leurs profits. C’est dramatique parce que la valeur d’une entreprise dépend de ce qu’on peut démontrer », explique l’économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC), Pierre Cléroux.

La moitié des dirigeants arrêtent aussi d’investir. « Les entreprises deviennent ainsi désuètes et beaucoup plus difficiles à vendre », déplore-t-il.

Un marché « aux acheteurs »

Cette vague de départs à la retraite sourit à ceux qui souhaitent mettre la main sur une entreprise. « C’est une bonne période pour les acquéreurs parce qu’il y a plusieurs entreprises intéressantes à vendre. Selon nos chiffres, 20 % des entrepreneurs disent qu’ils sont prêts à acheter. Parmi ceux qui ont 20 employés ou plus, ce pourcentage grimpe à 44 % », note Pierre Cléroux, qui précise que l’acheteur moyen a entre 25 et 45 ans et se retrouve dans tous les secteurs d’activité.

« J’aurais tendance à dire que le marché est aux acheteurs et aux opportunités d’affaires », ajoute pour sa part Vincent Lecorne.

L’acquisition n’est que la première étape

La BDC a récemment sondé plus de 1000 entrepreneurs qui ont déjà réalisé des acquisitions. Elle a constaté qu’on ne s’improvise pas acquéreur. « Ça prend quatre ou cinq acquisitions avant de devenir un expert », dit Pierre Cléroux. N’empêche, cette stratégie s’avère payante : 66 % des entreprises qui ont procédé à des acquisitions ont eu une croissance annuelle de plus de 5 % au cours des trois dernières années.

Les acquéreurs qui réussissent le mieux se sont bien préparés. Ils ont mis en place un comité d’acquisition, mais également un plan d’intégration pour la suite. « C’est tout aussi important que la vente s’ils veulent garder leurs employés et leurs clients. »

L’achat local domine toujours

La vente de fleurons québécois à des intérêts étrangers nous pousse à penser que les propriétaires d’entreprise se tournent plus souvent vers l’international. « Ça a augmenté un petit peu, mais avec l’ouverture de certains marchés comme l’Europe, il y a des opportunités qui vont dans les deux sens. Pour 90 à 95 % des entreprises au Québec, les transactions se passent encore dans la province », dit Vincent Lecorne.

« Les entreprises québécoises achètent plus à l’étranger que l’inverse », assure de son côté Pierre Cléroux. Ces entrepreneurs font principalement des achats aux États-Unis pour améliorer leur présence au sud de la frontière.