Pourquoi ne pas profiter d'un transfert pour faire grandir son entreprise, de concert avec ses repreneurs? Voici quatre entreprises qui ont choisi la voie de la croissance plutôt que de faire du surplace.

Carte blanche aux repreneurs

En plein processus de cession, Élaine et Élizabeth Bélanger ont dit à leur père, Florent, vouloir doubler le chiffre d'affaires de Maison Orphée sur un horizon de cinq ans. Pour cette PME de Québec spécialisée dans la fabrication d'huiles, de moutardes et autres vinaigrettes, cette croissance passait par un changement de stratégie de marketing, mais surtout par une nouvelle image (nouvelles bouteilles, nouvelles étiquettes, etc.). Les deux soeurs ont eu carte blanche. «Mon père nous a dit: vous maîtrisez tous les aspects de l'entreprise et, en plus, c'est votre idée, explique Élizabeth Bélanger. Pendant que nous étions occupées aux opérations, Florent s'est chargé de toute la paperasse légale et fiscale en lien avec le transfert. À travers ça, il nous a aidées à réhypothéquer notre immeuble pour financer à la fois le rachat de ses actions et nos projets de développement. Quand il a tiré sa révérence en 2010, nous étions sur le point de commercialiser nos nouveaux produits. En 2014, nous avions pratiquement doublé nos ventes tel que prévu.»

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Élaine et Élizabeth Bélanger sont coactionnaires de la PME Maison Orphée, à Québec.

Nouvelle usine en plein transfert

Ce n'est qu'en 2020 que Louis Ménard, 62 ans, aura vendu la totalité de ses actions à sa relève, c'est-à-dire à ses deux enfants, de même qu'à son directeur des finances. D'ici là, le président de la PME Topring aurait pu se la couler douce, faire plus de vélo et voyager davantage avec sa conjointe. Il s'offre certes plus de temps libre, mais il continue à travailler. Mais surtout, il a à coeur le développement de l'entreprise qu'il a achetée en 1986 et qu'il a fait croître. À preuve, Topring a investi 3,4 millions en 2014 pour la construction d'une usine deux fois plus grande à Granby. «Ce sont surtout mes enfants qui se sont occupés de la nouvelle usine, dit-il. Je les ai bien sûr accompagnés et aidés de mon mieux. Ça prouve que ma relève est à sa place.» Du reste, Louis Ménard s'explique mal qu'un entrepreneur puisse «lâcher prise». Surtout dans un processus de transfert. «Je ne fais pas que transmettre une entreprise, dit-il. Je veux transmettre la passion de continuer, d'aller plus loin.»

PHOTO STÉPHANE CHAMPAGNE, COLLABORATION SPÉCIALE

Louis Ménard (à droite), président de la PME Topring, en compagnie de sa relève : ses deux enfants, Anne-Catherine et Alexandre Ménard (au centre), ainsi que Frédéric Théroux.

Accompagnement sur 20 ans

Guy Michaud, 56 ans et PDG de Genacol, s'est donné 20 ans pour que ses trois fils, et un autre membre de la direction, prennent la relève. «C'est un processus de pérennité de 20 ans, dit-il. Dix ans d'accompagnement et dix ans de mentorat. J'ai amené l'entreprise au camp de base. Maintenant, je veux aller au sommet de l'Everest avec mes enfants.» D'ici là, personne ne se tourne les pouces. Depuis trois ans, toutes les décisions chez Genacol se prennent désormais à cinq. Les projets ne manquent pas. La PME devait entrer en Bourse à la fin du mois d'avril, mais elle est revenue sur sa décision. Son financement viendra d'ailleurs, dit Guy Michaud. Avec son plus récent produit, baptisé Optimum, Genacol fracasse des records de ventes au Québec. Sa croissance se poursuit en Asie. Prochaine étape: le marché américain. «Nous sommes dans 850 magasins d'aliments naturels alors qu'il y en a 37 000. Les États-Unis offrent un potentiel incroyable», lance le PDG du fabricant de produits naturels à base de collagène.

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Guy Michaud, PDG de Genacol

Avec la relève jusqu'au bout

Pas question pour Serge Dion de quitter une entreprise qui existe depuis 60 ans sans assurer sa pérennité. De concert avec ses frères et soeurs, le président de Jardins Dion, à Sainte-Thérèse, vient de céder l'entreprise à la troisième génération de Dion, soit sa fille, son neveu et sa nièce, de même qu'à un employé de longue date. «On est dans le processus depuis quatre ans et on se donne encore quelques années pour compléter le transfert», explique Serge Dion. Tout a été prévu pour que la passation des pouvoirs se fasse pour le mieux. Les releveurs ont acheté l'entreprise familiale, mais demeurent locataires et n'ont pas eu à acheter toute la machinerie de la PME horticole qui produit et commercialise ses végétaux. Ils viennent d'investir 25 000$ dans un site transactionnel. Ils ont la tête remplie d'idées: notamment déménager l'entreprise d'ici un an. Mais surtout, les releveurs sont financés par les cédants. «Les institutions financières sont très dures, leurs exigences sont trop serrées, dit Serge Dion. Il devenait plus intéressant pour tout le monde que la deuxième génération finance la troisième.»

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Serge Dion, président de Jardins Dion