Des caméras aux tests d'urine, les moyens de surveiller les employés se multiplient. Les employeurs doivent cependant être prudents: sans motifs raisonnables, la surveillance est illégale.

Surveiller n'a jamais été si simple: caméras de surveillance visibles ou dissimulées, alarmes avertissant les gestionnaires qu'un employé entre en zone interdite, lignes téléphoniques sous écoute, enregistreurs, GPS pour suivre les déplacements. Plusieurs patrons surveillent également l'usage électronique de leurs employés: habitudes sur le web, impression d'écrans, vue en temps réel de l'écran à distance. Sans oublier les tests de dépistage d'alcool et de drogues.

Spécialisée dans le domaine depuis 10 ans, Sécurité Spytronic prône un usage défensif. «Nous faisons surtout affaire avec des corporations aux prises avec des abus, note Alexandre Santos, président de l'entreprise. De plus en plus de gens sont excédés et sentent que personne ne peut les aider. Quand ils font appel à nous, les problèmes se règlent vite. L'investissement vaut le coup.»

Puisque les résultats d'une surveillance abusive ne sont généralement pas admissibles comme preuves devant un tribunal, la prudence est de mise, selon Me Alexis Charpentier, spécialiste en droit du travail chez Heenan Blaikie. «Certains employeurs croient à tort que leur seul droit de propriété sur certains équipements justifie l'installation de caméras sur les lieux de travail.»

Avant de recourir à des méthodes de surveillance, les tribunaux exigent qu'un employeur ait des motifs raisonnables de le faire. Par exemple, une filature peut être justifiée si un client appelle pour se plaindre des retards répétés d'un employé ou si l'employeur a des craintes concrètes sur un employé qui refilerait de l'information confidentielle à un concurrent. Même chose pour le GPS installé sur la voiture de service, si une facture d'essence est jugée trop élevée ou si un employé réalise une tâche sur huit dans sa journée.

Tests de dépistage

De simples yeux rougis ne sont pas un motif raisonnable pour demander un test d'alcool ou de drogues. Si c'était le cas, les allergiques auraient bien des soucis. «Par contre, si on se base sur des signes de consommation évidents, sur le témoignage d'un collègue ou sur un historique de consommation admis par l'employé, le recours à un dépistage serait justifié, répond Me Charpentier. Les tribunaux refusent le recours aux tests de dépistage aléatoire, sans motifs raisonnables, et ce, même pour des emplois dans une industrie à haut risque.»

L'avocat rappelle que la surveillance des employés doit toujours se faire en suivant une analyse du cas par cas. «Il n'y a rien d'automatique.»

Ironie du sort, même si les employeurs doivent respecter des lois de plus en plus sévères afin de protéger la santé et la sécurité de leurs employés au travail, les moyens qu'ils peuvent prendre sont limités. «Il y a un écart entre le législatif et le judiciaire, remarque Me Charpentier. D'un côté, on est extrêmement exigeant envers les employeurs pour qu'ils prennent leurs responsabilités, mais si les moyens de surveillance sont jugés trop intrusifs, le droit à la vie privée est souvent plus fort.»