Qui n'a jamais publié de commentaires sur une page Facebook d'une marque ou d'une entreprise? Cette pratique répandue peut toutefois prendre des proportions démesurées si la société visée ne surveille pas ce qu'on dit sur elle. Et les conséquences peuvent faire mal.

Selon le stratège Guillaume Brunet, de Substance Stratégies, la modération et l'écoute sont les meilleures alliées d'un gestionnaire de communauté en entreprise. Écouter ce qui se dit sur les réseaux sociaux en temps réel n'est toutefois pas suffisant. «Il y a plusieurs entreprises qui attendent avant de réagir. Vingt-quatre heures peuvent s'avérer fatales», explique Guillaume Brunet.

Est-ce parce que les employés manquent de pouvoir? Oui, souvent, affirme M. Brunet. Selon lui, si le gestionnaire de communauté est au courant du problème, le fait de dire qu'il a pris connaissance du message du consommateur peut être suffisant pour désamorcer une crise. Il s'agit toutefois d'une solution temporaire, qui peut être bonifiée par la transmission d'un numéro de téléphone ou d'un courriel pour joindre le service à la clientèle. «Avec les réseaux sociaux, la gestion de 9 à 5 n'existe pas. Une crise n'attendra pas jusqu'au lendemain matin», ajoute M. Brunet.

Un exemple? La page Facebook d'un cinéma de la grande région de Montréal. Au mois d'août dernier, une cliente de ce cinéma voulait connaître les raisons de l'offre accrue de films anglophones. Elle s'interrogeait de plus sur l'utilisation exclusive de la technologie des sièges pour les films en anglais. La réponse obtenue, quelques semaines plus tard? «Si vous n'êtes pas contente, allez chez Guzzo.» «Dans ce cas-ci, il n'y a eu aucune gestion de page», explique M. Brunet.

Il reste à voir si l'utilisation des réseaux sociaux par des consommateurs insatisfaits peut avoir un impact financier sur l'entreprise visée. «Il s'agit de savoir si la crise porte sur la réputation de l'entreprise ou sur le produit», affirme M. Brunet. Il relève un exemple: le feuilleton Oasis, qui a occupé l'espace médiatique au printemps dernier. «La crise tournait autour d'un procès intenté contre une propriétaire de PME. Or, pour le consommateur, si le produit [les jus] est bon et abordable, il va continuer de l'acheter, indique-t-il. Par contre, si on demande aux gens s'ils voient l'entreprise comme étant une société de choix, il se peut que sur ce plan, la réputation ait changé», ajoute-t-il.

Selon M. Brunet, il existe des secteurs d'activité où l'opinion publique est importante. C'est le cas de l'industrie du voyage, où le web demeure le principal canal pour s'informer. «Une mauvaise opinion d'un hôtel ou d'un transporteur peut être fatale pour l'organisation», explique M. Brunet. Autre cas, la compagnie aérienne United Airlines a subi les foudres en 2009 d'un internaute, Dave Carroll, qui accusait l'entreprise d'avoir brisé sa guitare. Pour manifester son mécontentement, l'internaute a diffusé sur YouTube «United Breaks Guitar». Quatre jours après la diffusion, l'action d'United Airlines avait perdu 10% de sa valeur.

Modération et nétiquette

La modération et la nétiquette (les règles de conduites sur un site internet) vont de pair. Pour Guillaume Brunet, mettre sur sa page un onglet Facebook dans lequel on peut retrouver la nétiquette permet de montrer à la clientèle les règles du jeu de ses communautés. «C'est important que les entreprises se penchent sur ce qu'elles sont prêtes à accepter sur leurs plateformes», soutient-il.

Doit-on révéler l'identité du modérateur? «Mettre un nom sur une personne qui s'occupe de la modération va créer beaucoup d'attentes. Si l'organisation n'est pas prête à faire la modération, s'il y a un manque de ressources, les consommateurs ou clients vont se rendre compte que l'entreprise ne répond pas», précise M. Brunet.

Une mise en garde, toutefois. Qui dit modération ne veut pas nécessairement dire suppression de toutes les critiques. «Si un client voit que ses commentaires sont supprimés, il va aller écrire son message sur une autre plateforme», ajoute l'expert.

Faire une veille sur les réseaux sociaux ne se résume pas qu'à la page Facebook ou au compte Twitter officiels de l'entreprise. Les blogues et les autres réseaux sociaux peuvent contenir des commentaires, autant négatifs que positifs, concernant une entreprise. D'où l'idée d'avoir une cellule de crise et les ressources nécessaires.

«Les réseaux sociaux ont démocratisé la technologie. D'un point de vue technique, ce n'est pas difficile à faire, mais ça demande du temps, du jugement. Les réseaux sociaux constituent un enjeu plus communicationnel que technologique», conclut M. Brunet.

Quelques chiffres

Guillaume Brunet fait part de quelques données sur les commentaires et les réseaux sociaux. Les voici:

33% des commentaires négatifs sur les réseaux sociaux se transforment en commentaires positifs. «Ce qui démontre l'importance de répondre», souligne M. Brunet.

70% des organisations ignorent les commentaires à leur sujet.

50% Un internaute sur deux qui s'est plaint d'une marque sur les réseaux sociaux n'achètera plus de produits de cette marque s'il n'obtient pas de réponse.