Vous soupçonnez un de vos employés de vol. Un autre en congé de maladie semble mentir sur son état. Votre entreprise est accablée par d'inexplicables fuites. Ce ne sont que quelques raisons qui pourraient vous pousser à vous tourner vers un enquêteur privé.

«Nos clients veulent valider des faits ou vérifier des informations qu'ils ont eues, explique Louis Laframboise, vice-président, enquêtes et services-conseils, chez Garda. Ils font appel à un tiers soi-disant neutre, l'enquêteur privé, pour amasser des données.»

M. Laframboise, qui est aussi président de l'Association des enquêteurs privés du Québec, note que les dossiers confiés à ses membres sont très variés: vols, conflits ouvriers, menaces, harcèlement, fraudes, espionnage industriel... Dans «environ 90% des cas», évalue-t-il, l'entreprise a recours à des enquêteurs privés pour enquêter sur des situations impliquant ses propres employés.

L'enquêteur dispose de tout un éventail d'outils. «Un des moyens les plus communs et fort utilisé dans l'industrie est la filature», note Louis Laframboise.

L'enquêteur filme ou prend des photos de la personne filée. Il peut même enregistrer ses conversations dans des endroits publics. «S'il va au restaurant, on est là, à la table d'à côté, avec un micro qui capte ses discussions», révèle Claude Vigneault, dirigeant du Bureau d'enquêtes civiles du Québec (BECQ).

La recherche d'informations - antécédents judiciaires, dossier de crédit, etc. - est un autre pan important des enquêtes. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit d'ailleurs une exception pour les enquêteurs privés dûment licenciés. «Ça nous évite de devoir aviser la personne que des vérifications ont été faites, précise Louis Laframboise. Évidemment, quand on vérifie des renseignements personnels, on doit être justifié de le faire.»

Les médias sociaux sont une mine d'or pour les enquêteurs. «Si les gens savaient tout ce qu'ils ont comme information publique sur le web, je crois qu'ils feraient beaucoup plus attention, s'exclame Claude Vigneault. Ça en est gênant pour nous les enquêteurs!»

L'agent va également se rendre sur le terrain pour faire des entrevues ou obtenir d'autres preuves, comme des reçus. Des caméras cachées peuvent aussi être installées. L'infiltration de l'entreprise est parfois même envisagée. «L'enquêteur se fait passer pour un employé. Ça peut durer d'une semaine à un an, un an et demi», indique Claude Vigneault.

D'autres services - comme le balayage d'ondes ou le test du détecteur de mensonges - sont également offerts par certaines firmes spécialisées.

Qui sont-ils?

Ne s'improvise pas enquêteur privé qui veut. Comme les autres agences de sécurité, les services d'enquête doivent obtenir un permis auprès du Bureau de la sécurité privée du Québec. Et pour être en règle, un agent d'investigation doit, au minimum, avoir réussi une formation collégiale en techniques d'enquête et d'investigation.

«Les enquêteurs sont très majoritairement d'anciens policiers, note toutefois Massimiliano Mulone, professeur de criminologie à l'Université de Montréal. L'industrie de la sécurité privée a souvent été vue, peut-être pas comme la maison de retraite de la police, mais, très souvent, comme une deuxième carrière pour les policiers retraités.» Claude Vigneault note d'ailleurs que BECQ n'engage que d'anciens policiers à titre d'enquêteurs.

Éthique

Les considérations éthiques font évidemment partie du quotidien des enquêteurs privés. «On est toujours sur la corde raide, lance Louis Laframboise. On est toujours dans une zone grise. Il faut savoir jusqu'où on peut aller pour s'en sortir la tête haute.»

D'où l'importance de faire affaire avec une firme de confiance. «Trop souvent, j'ai vu des clients se satisfaire de la simple obtention de résultats, déplore Louis Laframboise. Mais quand on regarde comment ces résultats ont été obtenus, on réalise que le client était très à risque à cause des moyens qui ont été pris pour amasser des preuves.»

C'est pourquoi Garda mise toujours sur un plan d'action écrit pour s'assurer que les enquêteurs s'entendent avec le client sur le mandat qui leur est donné et les moyens à utiliser. Claude Vigneault renchérit: «On n'accepte pas n'importe quel type de mandat. On va s'assurer que c'est réalisable et que ça cadre dans l'éthique du bureau.»

Un service d'enquête qui enfreint la loi peut miner toute la hiérarchie de l'entreprise, comme l'a démontré le scandale d'espionnage qui a éclaté chez Hewlett-Packard en 2006. Les actions d'enquêteurs privés avaient alors mené jusqu'à la démission de la présidente du conseil d'administration de l'entreprise...