L'humoriste Cathy Gauthier et l'argent:  son histoire financière en six tableaux.

1. TU IRAS T'ACHETER UN CHIPS

« Je ne suis tellement pas finances ! Je ne connais rien là-dedans... »

Pourquoi alors Cathy Gauthier a-t-elle accepté de participer au dossier ?

« Une entrevue dans le cahier Affaires, ça faisait différent d'une entrevue dans le cahier des Arts ! »

C'est généreux de sa part - une générosité qui lui a été inculquée toute jeune.

« Chez nous, on était vraiment élevés dans un milieu précaire, mais ma mère donnait la moitié de la chemise qu'elle n'avait pas. J'ai été élevée là-dedans. » - Cathy Gauthier

Sa mère ? Sa grand-mère, plutôt. « Mes grands-parents, je les appelle papa et maman. Ce sont eux qui m'ont élevée. » Avec ses oncles et tantes, ils n'étaient jamais moins de huit à table.

« Ma grand-mère est tellement drôle ! Il y a des fois, elle dépose cinq ou dix piastres dans mon compte.

« Elle dit : "Tu iras t'acheter un chips puis une liqueur. Je trouve ça très touchant." »

2. LE COMPTE SCOLAIRE

Si elle a appris la générosité à la maison, c'est à l'école qu'elle s'est initiée à l'épargne. « J'ai un compte avec la Caisse depuis le primaire, parce qu'à l'époque, c'était l'école qui s'occupait de nous ouvrir un compte. En tout cas.

« Et je déposais à coups de 25 cents chaque semaine. »

À ce rythme, elle accumulait donc 12 $ par année - pour un total d'environ 12 $, si on ajoute les faramineux intérêts (ce n'est pas une erreur de calcul).

« Ça fait que je ne me suis pas mise millionnaire au primaire. »

Mais une discipline s'était installée.

3. L'ÉPARGNE INVESTIE EN CASSEROLES

Dans son coin d'Abitibi, sa grand-mère lui a aussi appris les vertus du travail. « Oui, j'ai commencé à travailler à 12 ans. Ma grand-mère était cuisinière dans un petit restaurant, au village où on habitait. Il n'y avait pas de plongeur. Elle était obligée de faire la vaisselle, alors je venais lui donner un coup de main. »

Au même âge, elle distribuait les enfants et gardait les journaux (ou peut-être l'inverse).

« Avec mon argent, je m'achetais de la vaisselle, des spatules, des ustensiles. Je me faisais mon petit trousseau. Je n'étais pas dans le maquillage, le spray net et le linge à la mode. De la vaisselle et des chaudrons. »

Car l'indépendance la tenaillait déjà.

À 12 ans, elle fouillait les petites annonces pour trouver une chambre ou un studio à Montréal. « Dans ma tête, je pouvais aller vivre en appartement : j'étais assez mature. » Elle a patienté encore quatre ans.

4. CE CHER FACTEUR

Ses débuts ont été ardus. « Je courais après le facteur pour avoir mon chèque, et une fois que je l'avais, je courais le déposer. »

Après son premier spectacle, à 25 ans, sa relation avec le facteur est devenue plus épisodique.

« Depuis 2003, je peux dire que je gagne bien ma vie, mais c'est tellement un milieu précaire... Je suis comme un petit écureuil, et j'essaie de me faire de petites réserves. Mais je ne suis pas du genre à investir à la Bourse. Mon argent dort dans mon compte. Souvent la Caisse m'appelle pour que j'investisse cet argent-là. Je leur dis : "Mais il est déjà investi, puisque vous l'avez !" »

Elle caricature. Elle détient tout de même des placements. Mais ils sont à l'opposé de son caractère : très peu dynamiques.

« Oui, j'ai peur d'investir. Non, je ne ferai pas d'argent avec mes investissements, mais je n'en perdrai pas non plus. Ça, ça me rassure. » - Cathy Gauthier

5. LES TARTES AUX BINES

Sa comptable lui a conseillé de faire un budget, pour mieux contrôler sa générosité impulsive.

« C'est plus qu'une comptable. C'est comme une deuxième mère. »

Ou une deuxième grand-mère, dans son cas. « C'est assez rare qu'une comptable apporte des tartes aux bines ! »

L'expression lui a échappé. « Des tartes aux raisins ! corrige-t-elle aussitôt en riant. Quand j'étais petite, je trouvais que ça ressemblait à des bines ! »

Huguette - c'est son nom - s'occupe également de la gestion de ses finances personnelles, notamment du paiement de ses comptes.

« Autrement, ça ne se paierait jamais : c'est ma face qui est à côté du mot "procrastination" dans le dictionnaire. »

« C'est comme les fameux tickets de parking à 52 $. Je pense que je ne les ai jamais payés à 52 $, j'attends qu'ils soient rendus à 160 $, pour que ça vaille la peine. » - Cathy Gauthier

Elle pourrait appliquer le même opportunisme en Bourse.

6. REER, DEUX BRAS, DEUX JAMBES

« J'ai commencé à mettre de l'argent dans mon REER quand j'ai commencé à gagner ma vie convenablement et que j'en avais assez pour en mettre de côté », relate Cathy Gauthier.

« C'était d'abord pour économiser de l'impôt, on ne se le cachera pas. Mais oui, j'en place pour mes vieux jours, comme dirait l'autre. »

La retraite n'est pas une préoccupation pour elle. L'instabilité de son métier non plus. Elle croit en son étoile.

« Je ne sais pas trop combien j'ai en REER, mais je ne suis pas inquiète. Je fais confiance à la vie. »

Ce n'est cependant pas un modèle pour tout le monde. Il faut être prêt à affronter l'autre possibilité.

« Si ça arrête, j'ai mes deux bras, mes deux jambes, je suis capable de faire autre chose. Je ne suis pas inquiète, je me suis toujours débrouillée dans la vie. »