En 2005, Michèle avait participé à la chronique de consultation en finances personnelles Sous la loupe. Dix ans plus tard, où en est-elle?

EN 2005

LA SITUATION

Michèle, âgée de 60 ans, n'a pas travaillé pendant 14 ans pour prendre soin de sa famille. Maintenant qu'elle est séparée, ce gouffre pèse lourd sur ses futurs revenus de retraite. Devrait-elle continuer à travailler jusqu'à 67 ans?

LE PORTRAIT

> Revenu: 53 000$

> REER: 19 000$

> Régime de retraite à cotisation déterminée

> Cotisation annuelle au REER: 1350$

> Solde hypothécaire sur son condo: 29 000$

> Budget de retraite estimé: 25 000$ en dollars de 2005

LE CONSTAT DE LA PLANIFICATRICE

> Retraite à 65 ans: budget déficitaire de 2000$

> Retraite à 67 ans: budget équilibré

EN 2015

La retraite est faite de petits bonheurs et de petits désagréments... Il s'agit que les seconds n'affectent pas les premiers.

«Bien des choses sont survenues pour contrer mes projets, a dit Michèle quand nous l'avons retrouvée. Mais finalement, la retraite est très agréable et je m'arrange très bien avec ce que j'ai.»

Elle a 70 ans. Dix ans se sont écoulés depuis la dernière fois...

«Le temps passe tellement vite. C'est ce que nos grands-parents, nos oncles et nos tantes nous disaient, et on les trouvait totons: voyons donc, le temps ne passe pas vite, c'est eux qui sont plus lents!»

Elle a appris, avec le temps...

En 2005, âgée de 60 ans, Michèle pensait travailler jusqu'à 67 ans, question d'accumuler des revenus de retraite suffisants.

Elle est finalement partie à la retraite en novembre 2009, à près de 65 ans. «J'ai dû la prendre plus tôt à cause des mises à pied chez mon employeur», explique-t-elle.

En pleine vague de compressions, elle avait fait partie des «chanceux» qui étaient restés employés de l'entreprise, à faire quadruple tâche. «J'ai alors fait un burn-out qui a duré six mois. Dans ma tête, je ne retournerais pas travailler. Ils me donneraient mon package et salut, bonjour.»

Mais il n'y a pas eu d'offre de départ. Ni de salut bonjour, par conséquent.

«J'ai dû retourner travailler.»

Quelques mois plus tard, son employeur lui a tout de même fait une proposition assortie d'une indemnité d'un an de salaire. Elle gagnait alors 66 000$. «C'est comme ça que ma retraite a commencé.»

Près de la cible

La planification faite en 2005 avait tablé sur un revenu de retraite brut de 30 000$, par rapport à des dépenses de 25 000$, pour un déficit d'environ 2000$ après impôts si Michèle prenait sa retraite à 65 ans plutôt qu'à 67 ans.

Avec l'inflation, ces sommes équivalent aujourd'hui à un revenu de 34 700$ et des dépenses de 28 900$.

«Maintenant, je fais 37 000$, indique Michèle. Il me reste 28 000 ou 29 000$ après impôts.» Un salaire un peu plus élevé et l'indemnité de départ, placée dans son REER, ont fait la différence.

Le REER contribue à ses revenus pour environ 4600$ par année. Elle y détient encore 40 000$. «J'en ai encore pour dix ans à peu près. À 80 ans, nos besoins sont un peu moins grands, on voyage un peu moins... On verra à ce moment-là.» Son ton n'en est pas un de résignation, mais d'acceptation sans amertume de l'inévitable.

«J'arrive à m'en tirer, observe-t-elle. J'ai fait faire des calculs par mon conseiller financier. J'en ai jusqu'à 95 ans. Je ne pense pas aller jusque-là.»

Libre de dettes!

En 2005, elle n'avait plus de véhicule et espérait s'en procurer un. Un voeu réalisé?

Oui. La preuve: elle ne voit pas sa voiture, dehors, dans le stationnement. Le blizzard lui en cache la vue.

«J'avais réussi à accumuler un certain comptant pour l'auto et j'ai acheté une voiture d'occasion. C'est mon frère qui m'a prêté l'argent sans intérêt.» Elle l'a remplacée par une autre voiture d'occasion en 2014.

Au moment de sa retraite, elle avait totalement acquitté l'hypothèque de son condo. «Mon objectif était que mon auto et mon condo soient payés, et ça, je l'avais atteint.»

Elle continue à tenir un budget très serré.

«Ça prend beaucoup de discipline, je dois dire, ajoute-t-elle. Je réussis quand même à voyager. Je fais du sport trois fois par semaine. Et je fais de la peinture, mon cher ami!»

Ah bon?

«J'ai fait ma quatrième exposition le week-end dernier.» C'est une vieille passion que le travail et la famille lui avaient fait négliger. «Il semble que ce ne soit pas si mal: j'avais six toiles et j'en ai vendu quatre!»

Depuis peu, cependant, la fréquence de ses voyages s'étire, et les distances raccourcissent. «Je ne peux plus aller en Asie. Je trouve ça trop long. Et on a toujours des petits problèmes de santé...»

La voix baisse, s'adoucit: «Moi, j'ai des problèmes de coeur maintenant. Je fais de la fibrillation auriculaire.»

Son état est stabilisé par une médication, mais son frère a été opéré pour la même condition. «Ça me coûte aussi cher pour l'assurance que pour le voyage. Je trouve ça un peu plate. Pour les prochaines années, je vais voyager dans mon pays, que je ne connais pas beaucoup.»

Une pause, un constat, l'ombre d'un regret. «J'aime beaucoup beaucoup les voyages...»

Trop grand

Michèle habite toujours le même condo, un appartement de cinq pièces en périphérie de Montréal. «Je vais vous dire franchement, je commence à trouver ça grand. Avant, je faisais le ménage en quelques heures, mais maintenant, ça me prend deux demi-journées - séparées. La madame est moins capable qu'elle l'était!»

Elle se donne encore trois ans avant de déménager dans un plus petit appartement, cette fois doté d'un ascenseur. «J'ai trois étages à monter. Quand j'arrive avec ma commande... Et vous ne me voyez pas partir quand je vais à mes cours de peinture! Les toiles, les chevalets...»

Somme toute, une retraite heureuse. «Il s'agit de maintenir la discipline. C'est ce qu'on m'avait dit, et je l'ai maintenue!»

La discipline n'a pas prise sur tout, cependant.

«Avez-vous des petits-enfants?

- Malheureusement non, répond-elle d'un ton désolé. J'aimerais tellement ça... Mais je pense que je vais mettre une croix là-dessus.» Sa fille n'aura pas d'enfants, son fils n'a pas de conjointe.

«Quoique les hommes, à 60 ou 65 ans, ça fait encore des petits. On ne sait jamais!»

Il y a encore du temps.

Sécurité de la vieillesse: 552$

RRQ: 950$

> Rente de retraite (cotisations déterminées): 388$

> Rente de retraite (prestations déterminées): 805$

> Retrait du FERR: 380$

> Total annuel: 36 900$