En 2015, la réalité a dépassé la planification. De beaucoup.

En 2012, Sébastien a fondé une entreprise. Ce n'est pas que ce soit une surprise.

«Je viens d'un milieu entrepreneurial, de génération en génération. On a des entreprises dans la famille depuis 1950. J'avais quitté en 1995 pour faire ma propre carrière et retourner aux études, mais j'avais toujours gardé en tête de revenir en affaires.»

Ce qui est surprenant, c'est la rapidité avec laquelle le projet s'est concrétisé. En coup de vent, dirions-nous.

Il cherchait l'inspiration. Il a envisagé un moment d'acquérir une franchise.

Comme c'est souvent le cas, le souffle est venu d'une expérience personnelle.

L'abri de toile de plastique qui protégeait son embarcation s'est soulevé sous l'effet d'une bourrasque et a éraflé la coque. Il faudrait un abri rigide, s'est-il dit.

«C'est parti de là. Mon père m'avait mis sur la piste de produits en Europe qui étaient très intéressants. Plutôt que d'importer, j'ai décidé de développer une nouvelle gamme. Je voulais l'abri le plus résistant au Canada et la plus grande durabilité, et je voulais un produit fabriqué ici.»

En 2011, il engage un ingénieur, avec lequel il conçoit un abri constitué d'arcs ajourés. «J'ai monté mon plan d'affaires en un mois et je suis allé chercher mon financement auprès d'institutions financières. Ça m'a surpris: il m'a fallu environ un mois pour obtenir un demi-million. Ç'a été très rapide.»

Dès 2012, l'entreprise était en activité.

Un plan à oublier

Le plan de match détaillé que la planificatrice financière avait tracé en 2005 est aussitôt devenu caduc. «Nos plans de retraite ont pris le bord. Il a fallu hypothéquer la maison.»

Les choses allaient tout de même bon train. Le couple avait pu acquérir une caravane, comme prévu. «Peu de temps après l'article paru en 2005, un troisième enfant est arrivé.» Comme prévu aussi.

Ce ne fut pas sans conséquences. «Le petit nouveau nous a fait déménager, la maison était tellement petite. On a changé notre roulotte à cause de lui... Il représente 150 000 à 200 000$ de dettes», lance-t-il en riant.

Puis, l'entreprise a été fondée.

Tout était à faire, à apprendre, à créer.

«Il a fallu développer les méthodes de fabrication, les méthodes d'installation. Naturellement, avec les nouveaux produits viennent tous les problèmes du début.»

Les produits sont fabriqués dans une petite usine en périphérie de Montréal qui emploie jusqu'à 25 personnes, selon la saison.

Sébastien a conservé son emploi durant les six premiers mois, puis il a plongé à temps plein.

Karine s'est jointe l'entreprise un an plus tard, en 2013. «On voulait être certains que ça fonctionnerait.»

«On a décidé de faire le saut, et on ne le regrette pas aujourd'hui. Pour la qualité de vie, c'est extraordinaire. Si un enfant est malade, Karine ne rentre pas au travail, c'est tout.»

Une autre retraite

La mise de fonds pour l'entreprise a été prélevée sur la marge de crédit hypothécaire, où toutes les dettes du ménage ont été regroupées.

Seul un véhicule fait l'objet d'un autre prêt.

Ils n'ont pas extrait de fonds de leur REER. «Par contre, c'est sûr qu'on a eu à freiner les cotisations. Ensemble, on en met quand même pour environ 8000$ par année. On n'est pas capables d'en prendre plus. On ne se prend pas de gros salaires.»

Lorsqu'ils ont lancé leur entreprise, ils ont préféré étaler davantage l'amortissement de leur endettement, de manière à ne pas restreindre indûment leur rythme de vie.

Éviter de trop se priver

«La gaffe que j'ai vue chez beaucoup de gens, c'est qu'ils se privent et arrêtent de vivre quand ils lancent leur entreprise, et ça tue le couple. Nous, nous avons continué. On a un bateau, on a une roulotte, on voyage dans le Sud.»

Il relativise aussitôt.

«Il est certain qu'il y a un stress qui vient avec tout ça. Ma conjointe aime beaucoup moins ce stress que moi. Moi, je dors très bien avec ça. Je viens d'un milieu entrepreneurial et j'ai vu mes parents encaisser les comptes le jeudi pour payer les employés le vendredi.»

Sa sérénité s'appuie également sur la vigueur de la jeune entreprise. «On vient de finir l'année avec une croissance de 35% sur l'an passé.»

Il se fait philosophe.

«C'est drôle comment ça peut changer, un plan de retraite. Maintenant, notre retraite est surtout dans l'entreprise.»

En 2005, Karine et Sébastien avaient participé à la chronique de consultation en finances personnelles Sous la loupe. Dix ans plus tard, où en sont-ils?

Situation en 2005

Sébastien, 33 ans

Revenu d'emploi: 60 000$

Karine, 32 ans

Revenu d'emploi: 40 000$

> Parents de deux enfants

> Propriétaires d'une première maison depuis 2004

Les objectifs

> Avoir un troisième enfant

> Épargner pour une retraite confortable à 60 ans

> Solder l'hypothèque en 10 ans

> Acquérir une caravane

Le programme du planificateur financier

Pendant les six années qui suivront la naissance du bébé:

> Allonger temporairement l'amortissement de l'hypothèque;

> Réduire ou reporter certaines cotisations REER.

Après le retour au travail à temps plein de Karine:

> Accélérer l'épargne REER.