Maude Brunet a trouvé sa voie sur le tard, mais elle n'a pas craint de la suivre. Une voie de mezzo-soprano classique.

En 2002, elle achevait une maîtrise en administration à HEC Montréal et était membre de la chorale de l'université. Née dans une famille de mélomanes, elle suivait des cours de chant depuis l'âge de 16 ans.

«J'ai rencontré plein d'étudiants en musique dans la chorale et je me suis dit wow! Ça doit être extraordinaire d'étudier dans le domaine, raconte-t-elle d'une voix animée et bien timbrée. Après ma maîtrise en administration, j'ai décidé de faire le grand saut et de commencer des études universitaires en musique.

«Au début, je le faisais un peu par curiosité, en continuant à travailler à temps partiel en administration, sans trop savoir où ça me mènerait. Mais les professeurs étaient très encourageants et me disaient que je devrais mettre tout mon temps là-dedans, que j'aurais une chance de réussir en musique.»

Au milieu de ses études en chant classique, en 2006, elle a donc abandonné son emploi à temps partiel pour se consacrer entièrement à sa passion.

Le choix du chant avait une considérable portée - financière, s'entend.

Plutôt qu'une carrière bien rémunérée en administration, elle s'engageait sur la voie du travail autonome, avec plusieurs années d'études devant elle avant de gagner - peut-être - sa vie avec son art.

Une voie parsemée de hauts et de bas aussi accentués qu'une partition de Verdi.

«Il faut vraiment être passionné pour faire ça parce que c'est sûr qu'il y a des périodes difficiles. L'instabilité est la réalité de tous les chanteurs. Mais quand on aime ce qu'on fait, ça n'a pas de prix. Pour moi, l'idée de retourner en administration n'est pas une option.»

Une carrière... baroque

Elle a terminé sa maîtrise en 2010. Depuis, les engagements se sont succédé à intervalles réguliers; au moins une douzaine par année en 2013 et 2014.

«J'essaie de toucher à tous les styles musicaux, mais avec les années, j'ai été amenée à faire beaucoup de musique ancienne. À Montréal, il y a une forte présence de musique baroque, et je peux travailler beaucoup à la maison. C'est une chance et une joie parce qu'au niveau de la vie personnelle, c'est plus facile.»

Elle ne ferme pas pour autant la porte à l'opéra et à la scène. Du 6 au 8 février, elle interprétera à Saguenay le rôle de Lazuli dans l'opéra-bouffe L'étoile d'Emmanuel Chabrier, pour la Société d'art lyrique du Royaume. «Dans deux jours, je pars pour Chicoutimi. On a trois semaines de répétitions, et les représentations ensuite.»

Marketing lyrique

Comme tout travailleur autonome, elle doit faire son autopromotion. Elle a monté un site internet (www.maudebrunet.com) où l'on peut apprécier son timbre riche et chaleureux; cela dit sans poser au critique musical.

Elle donne également chez elle des cours de chant aux adultes.

«C'est un revenu stable qui permet de combler les périodes plus creuses.»

Mais ce n'est pas un pis-aller. «Je me trouve chanceuse d'aimer l'enseignement parce que j'ai beaucoup de collègues qui n'ont pas vraiment d'intérêt pour ça. Moi, c'est quelque chose que j'adore. J'aime voir les élèves évoluer.»

Pour l'instant, l'enseignement lui procure environ 40% de ses revenus annuels.

Des finances sans fausses notes

Maude Brunet a 34 ans, un âge où d'autres ont des enfants, une maison, une situation stable. «C'est sûr que je gagne moins que si j'avais continué en administration», reconnaît-elle.

Ses études à HEC Montréal lui ont tout de même laissé «des connaissances financières qui sont précieuses et qui me servent aujourd'hui».

Son conjoint est lui aussi chanteur classique. «Nous n'avons aucune sécurité d'emploi mais lui aussi travaille beaucoup, alors jusqu'ici, ça va très bien.» La seule dette du couple est l'hypothèque du condo acheté il y a trois ans.

«C'est sûr que la retraite, pour moi, c'est un peu loin, exprime-t-elle avec un rire franc. Mais je suis très consciente de l'importance de commencer tôt. Je suis disciplinée, je mets de l'argent de côté tous les mois dans mon REER. Je trouve que le CELI est aussi un outil merveilleux pour l'épargne en général, autant pour les fonds de secours qu'à plus long terme.»

Elle l'alimente chaque mois avec des prélèvements automatiques.

«Pour moi, c'est très important. C'est quelque chose qui m'assure une certaine indépendance par rapport à ma carrière, qui me permet de dire on fonce, on y va, et que si arrive un mois plus difficile, je n'aurai pas à quémander à ma famille!» Encore un rire...

Elle aimerait avoir bientôt un enfant. Les travailleurs autonomes sont maintenant admissibles eux aussi au Régime québécois d'assurance parentale. «Mais pour ma part, je ne pourrai pas prendre un an sans travailler, c'est complètement impensable. Ne serait-ce que pour ne pas perdre mes contacts: c'est un milieu où on peut être très facilement remplacé. Je ne peux pas refuser les propositions pendant un an, tout le monde va m'oublier!» Un autre rire.

«Quand viendra le temps, je prévois deux ou trois mois de congé et retourner déjà au travail.»

Mais l'enfant s'endormira avec les plus belles berceuses.